Livres: Jeanette Winterson, quand l'amour lesbien triomphe de la bigoterie
2 participants
Page 1 sur 1
Livres: Jeanette Winterson, quand l'amour lesbien triomphe de la bigoterie
RENCONTRE. Vingt-cinq ans après le fameux «Les Oranges ne sont pas les seuls fruits», l'auteure lesbienne britannique Jeanette Winterson sort une autobiographie bouleversante et pleine d'humour.
«Pourquoi être heureux quand on peut être normal», c'est ce que Mrs Winterson, la mère adoptive de Jeanette, lui a dit lorsqu'elle a quitté le foyer à 16 ans en expliquant qu'elle partait pour être heureuse… C'est aussi le titre de l'autobiographie de l'écrivaine anglaise, qui sort aujourd'hui aux éditions de l'Olivier. Déjà dans Les Oranges ne sont pas les seuls fruits, publié en 1985 (et réédité à l'occasion de la sortie de son nouveau livre), l'auteure racontait son enfance en Angleterre à travers le personnage de Jess, adoptée par une femme très pieuse qui la destine à être missionnaire. Quand elle tombe amoureuse de Mélanie à 16 ans, sa mère veut la faire exorciser… Le roman a été adapté en téléfilm par la BBC (photo ci-dessous).
TÊTUE: Après le roman Les Oranges ne sont pas les seuls fruits il y a 25 ans, vous venez d'écrire un nouveau livre, une autobiographie cette fois, sur le même sujet. Pourquoi?
Jeanette Winterson: Je n'avais pas prévu d'écrire ce livre. Mais quand j'ai commencé à rechercher ma mère biologique, j'ai décidé de tenir un journal sur ce qui se passait en temps réel. Et de façon naturelle, cela m'a poussée à réfléchir à nouveau à l'univers de ma mère adoptive, Mrs Winterson. Quand le journal a pris une ampleur considérable, j'ai réalisé que j'avais vraiment besoin d'écrire sur mes deux mères, certainement pour exorciser la douleur qui était là depuis très longtemps, enfouie dans un coin.
Comment avez-vous réussi à prendre de la distance, dès votre plus jeune âge, par rapport aux idées et au mode de vie de votre mère adoptive?
Quelle distance? Elle voulait que je devienne missionnaire… Regardez ce que je suis devenue! (rires) Simplement, je n'ai pas choisi la religion mais l'écriture.
Mais comme vous l'écrivez dans Pourquoi être heureux…, votre mère avait un penchant pour le malheur et vous pour le bonheur?
C'est vrai. C'était une femme très dépressive et de mon côté, j'étais de nature très joyeuse. Elle m'a dit que le diable l'avait conduite vers le mauvais berceau... Elle aurait voulu quelqu'un de beaucoup plus passif, soumis. C'est dommage qu'elle n'ait pas accepté que je rende sa vie plus agréable... Elle a préféré faire en sorte de compliquer la mienne.
Vous avez trouvé refuge dans les livres?
Oui, j'étais littéralement absorbée par les livres. Les livres n'étaient pas une fuite mais une évasion pour moi. Ils m'ont montré qu'il y avait un autre monde, truffé d'idées et d'émotions. Cela m'a donné beaucoup d'espoir.
Quand votre petite amie dormait dans votre chambre, votre mère venait vous espionner la nuit avec une lampe de poche... Est-ce que vous vous êtes sentie coupable de tomber amoureuse d'une fille?
Ma mère étant très croyante, la sexualité en général était un pêché pour elle, et l'homosexualité encore plus. Mais je ne me suis jamais sentie coupable. J'étais bien sûr perdue et je me suis demandé s'il y avait une bonne ou une mauvaise catégorie à laquelle appartenir. Ce n'est que plus tard que j'ai réalisé qu'il n'y a pas de catégories ni de règles quand on parle d'êtres humains. L'homosexualité n'est pas une trahison de nos parents ni de la société. Les homos devraient juste pouvoir faire partie de la société, sans qu'on ait besoin d'en parler.
Est-ce que vous êtes toujours croyante?
Je crois très fort dans une vie spirituelle, mais pas dans la religion. Tous les fondamentalistes religieux, quel que soit leur dieu, dirigent leur haine vers les mêmes cibles : les femmes, les homosexuels, l'éducation, la science... C'est dommage car nous avons perdu le bon côté, la spiritualité. C'est important de se détacher des choses matérielles et de se laisser aller à ses rêves, à son imagination, de prendre le temps.)
Connaissez-vous d'autres auteures qui écrivent sur l'homosexualité féminine?
Sarah Waters est une très bonne écrivaine et c'est très bien que ses livres soient devenus célèbres au point d'être lus par tout le monde. Les homosexuels ont toujours lu des livres impliquant des personnages hétérosexuels, sinon ils n'auraient plus rien à lire! (rires) Mais les hétéros paniquent s'il n'y a pas un homme et une femme dans l'histoire... C'est un manque d'imagination de la part du lecteur pour moi. Mais en ce qui me concerne, je veux lire de tout, pas simplement des livres lesbiens.
Est-ce que c'est difficile, encore aujourd'hui, d'être acceptée en tant que femme écrivaine?
C'est difficile d'être acceptée en tant que femme tout court. C'est vrai que les femmes écrivains sont plus visibles aujourd'hui. Mais dans les grands journaux britanniques, par exemple, la plupart des journalistes et des sujets abordés sont masculins. Les sujets féminins sont souvent relégués dans les suppléments santé, famille, mode... Et que ce soit en politique ou dans les grandes entreprises, les plus hauts postes sont toujours occupés par des hommes. Le féminisme n'est pas dépassé, il est toujours d'actualité.
Est-ce que vous considérez que c'est votre devoir de vous battre pour toutes les femmes écrivains?
Pour toutes les femmes en général, oui. Pourquoi sommes-nous traitées comme si nous étions une minorité? Nous représentons 52% de la population mondiale! Il y a une élite masculine qui ne veut pas que les choses changent.
Vous partagez actuellement votre vie avec Susie Orbach, une psychothérapeute très renommée. Est-ce qu'elle vous a aidée tout au long de votre parcours?
Oui, vraiment. Susie est une personne très saine et mature. Son amour est simple et direct et c'est très agréable. Et je n'aurais jamais pu rechercher ma mère biologique sans elle, elle m'a beaucoup soutenue.
Regardez la bande-annonce de l'adaptation par la BBC de Les Oranges ne sont pas les seuls fruits:
Les Oranges ne sont pas les seuls fruits (réédition) et Pourquoi être heureux quand on peut être normal de Jeanette Winterson, aux éditions de l'Olivier.
Photo: Peter Peitsch.
Par Béatrice Catanese lundi 07 mai 2012
Source : http://www.tetu.com
Dernière édition par SweetAngel le Sam 2 Juin 2012 - 18:49, édité 1 fois
SweetAngel- Admin
- Messages : 20782
Date d'inscription : 03/08/2010
Age : 44
Localisation : Seine-et-Marne
marine42- inoubliable
- Messages : 658
Date d'inscription : 30/04/2012
Age : 37
Localisation : saint-ètienne
Sujets similaires
» Chronique livres: Des souvenirs et de l’interdit
» Livres: l’homosexualité s’invite au rayon jeunesse
» Livres: Tatouages modernes, amazones, et féminisme
» Livres: Sexe, queer et rock’n’roll
» Des livres de coloriages pro-gay pour les enfants russes
» Livres: l’homosexualité s’invite au rayon jeunesse
» Livres: Tatouages modernes, amazones, et féminisme
» Livres: Sexe, queer et rock’n’roll
» Des livres de coloriages pro-gay pour les enfants russes
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum