«Il y a entre les personnages un érotisme comme chez les joueurs de rugby»

par **SweetAngel** Ven 15 Fév 2013 - 20:15

À L'Etoile du Nord Théâtre se joue Dans la solitude des champs de coton de Bernard-Marie Koltès, auteur homosexuel emporté par le sida en 1989. Une histoire d'amitié presque amoureuse entre deux personnages étrangers mais troublés. Et de ce trouble naît le mystère de cette pièce très sombre. TÊTU.com a rencontré Jean-Pierre Brière, metteur en scène et acteur, pour tenter de percer ce mystère.

TÊTU.com: Que raconte La solitude des champs de coton?
Jean-Pierre Brière: Le dealer que j'interprète arrête le client campé par Bruno Debrandt en lui disant : vous cherchez quelque chose que vous n'avez pas et que je peux vous fournir. Le client répond qu'il ne cherche rien et qu'il ne fait que passer.

L'insistance du premier laisse entendre que le second ne sait pas encore ce qu'il cherche. Dans la version que je propose, je mets l'accent sur la notion de relais. Le dealer recrute le client qui deviendra à son tour un dealer. Entre eux, les personnages ne s'appellent jamais «dealer» ou «client». Et il n'est pas question de deal non plus. Enfin, la rencontre se passe dans un non-lieu entre deux tours. Il ne s'agit pas de champ de coton et encore moins de solitude.

Comment expliquez-vous le titre alors?
Mon explication est subjective: Koltès lisait beaucoup de littérature américaine, notamment Faulkner qui a écrit dans son roman Lumière d'août cette phrase: «dans la solitude des champs de coton».

Koltès reste très énigmatique sur l'objet du désir. Avez-vous plus d'explication ?
Le mot «désir» parcourt la pièce. Il est question de désir de matérialité, de désir d'amitié et même de désir d'amour. Le client parle beaucoup de son manque d'amour. Le plaisir naît du désir de passer à l'acte mais s'il y a passage à l'acte, cela supprimerait le fantasme et donc le plaisir.

Il existe donc une dimension homo-érotique dans la pièce ?
Oui très forte. D'abord, dans les mots et l'énergie des mots, ensuite et surtout dans la fascination de l'un sur l'autre. Le rapport de séduction entre eux conduit à un certain érotisme comme chez les joueurs de rugby. Des hommes prêts à l'affrontement pour sentir le corps de l'autre. Par moments, les deux personnages ne savent plus s'ils cherchent la bagarre ou la séduction. C'est un érotisme singulier!

Dans la solitude des champs de coton
Du 15 février au 2 mars à l'Etoile du Nord Théâtre. Paris (18e).

Par Oscar Héliani vendredi 15 février 2013

Source : http://www.tetu.com