«Sans des éditions lesbiennes, certains livres ne seraient jamais publiés!»
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«Sans des éditions lesbiennes, certains livres ne seraient jamais publiés!»
DÉBAT. Pour TÊTUE, trois maisons d’édition spécialisées dans les livres lesbiens ont échangé leurs expériences. L’occasion de mieux connaître le travail de ces passionné(e)s qui se battent pour publier des ouvrages fièrement homos.
Photo du haut: Sébastien G. Martin des Editions gaies et lesbiennes, Céline Lion de Dans l'engrenage, Isabelle le Coz des éditions KTM, lors de la table-ronde organisée par TÊTUE. Deuxième photo: Isabelle le Coz, Christine Lemoine de Violette and co, et Isabelle Romero de TÊTUE.
A quoi sert une maison d'édition lesbienne? Pour répondre à cette question, TÊTUE a proposé à trois maisons d'éditions lesbiennes de se rencontrer. L'échange a eu lieu à la librairie lesbienne et féministe Violette and Co, à Paris. Culture lesbienne, travail avec les auteures, attentes des lectrices, défis, coups de coeur... Les trois maisons qui sont aujourd'hui spécialisées dans l'édition lesbienne (Isabelle le Coz, des éditions KTM, Céline Lion, de Dans l'engrenage, Sébastien G. Martin, des Editions gaies et lesbiennes), ainsi que Christine Lemoine, la libraire de Violette and co, ont répondu à toutes les questions de TÊTUE.
La première maison d'édition lesbienne française, G. Pastre/ les Octaviennes, est née en 1989, crée par l'écrivaine Geneviève Pastre. La décennie 1990-2000 a vu la naissance de plusieurs maisons d'éditions... qui n'ont pas toutes résisté face aux difficultés économiques. Car, comme l'expliquent les trois participants, les embûches sont nombreuses pour les éditeurs, et a fortiori pour les éditeurs d'ouvrages lesbiens.
TETUE: Qu'est ce qui vous a donné envie de vous lancer dans l'édition lesbienne?
Isabelle le Coz, KTM: Je ne trouvais pas les livres que j'avais envie de lire. La parution de notre premier livre en 1998, Once upon a poulette, par Cy Jung, sous titré, «roman lesbien», a fait l'effet d'un choc. Ce genre de romans bien écrits, drôles, érotiques, cela existait dans le monde anglo-saxon, mais pas vraiment en France.
Céline Lion, Dans l'engrenage: J'ai travaillé dans l'édition généraliste. En 2003, j'ai eu envie de mettre mes compétences au sein d'une maison d'édition spécifiquement lesbienne. Nous publions surtout des romans étrangers dont nous assurons la traduction.
Sébastien G. Martin, Editions gaies et lesbiennes: Je travaille dans l'édition depuis 50 ans. J'ai racheté les Editions gaies et lesbiennes en 2007 et la Cerisaie en 2009. C'est un acte militant, je ne voulais pas que ces maisons disparaissent. C'est important, en particulier pour les plus jeunes, d'avoir des personnages auxquels s'identifier.
A quoi sert une maison d'édition lesbienne? Vous n'avez pas peur que la démarche soit jugée trop communautariste?
Christine Lemoine, Violette and co: Sans ces maisons d'éditions, de nombreux livres ne seraient jamais publiés! Les éditeurs généralistes ne sont pas intéressés par la littérature lesbienne. C'est important d'avoir un imaginaire lesbien, des livres avec des personnages et une thématique lesbienne clairement affirmée. Souvent dans les maisons généralistes, l'argument lesbien est minimisé, on est obligé de lire entre les lignes. Si ces maisons n'existaient pas, il ne se publierait pas plus de 4 ou 5 romans lesbiens par an.
Céline Lion: Notre rôle est de diffuser la culture lesbienne. Dans un contexte économique difficile, qui va prendre le risque de se lancer sur ce terrain? Il y a eu quelques tentatives comme «le rayon gay» chez Balland, mais cela n'a pas duré. Pourtant, parfois nous montrons la voie. Nous avons publié en 2008 Cara et moi d'Emma Donoghue, un des 20 auteurs vivants les plus importants d'Irlande. Cette auteure aurait du être repérée depuis longtemps par les maisons généralistes françaises, mais les personnages de ce livre sont un couple de lesbiennes...
Sébastien G. Martin: Comment trouver un livre lesbien, noyé dans les rayons si on ne connait ni le titre, ni l'auteur? Nous faisons le choix de la visibilité, en affichant le drapeau arc-en-ciel sur la couverture des romans.
Quelle est votre ligne éditoriale? Comment choisissez-vous vos auteures?
Isabelle le Coz: Nous publions la littérature contemporaine: romans français, étrangers, policiers, érotiques, jeunesse, essais. Nous recevons souvent des manuscrits par la poste. J'aime qu'au-delà de la romance, le livre ouvre sur la diversité du monde. C'est le cas du dernier roman que nous avons publié: L'archipel des faux semblants de Natacha Cerutti qui se passe au Japon.
Céline Lion: Nous avons quatre collections, blanche (littéraire), cambouis (polar), romances (romans sentimentaux), et BD (Le monde de Jane). Suivant les moments, les lesbiennes, comme toutes les femmes, peuvent avoir des envies différentes. Nous privilégions la littérature étrangère, mais nous n'excluons pas un coup de cœur pour un roman français. Nous sommes obligées de faire des choix parfois drastiques, car éditer un livre exige du temps et des moyens et les nôtres sont limités...
Sébastien G. Martin: Nous publionsdesromans, essais, policiers, romans sentimentaux... Nous avons un public de jeunes adultes. Quels que soient les thèmes, par exemple, l'homoparentalité ou la vie de couple, je sélectionne des livres qui donnent une vision optimiste de la vie. Nous publions des livres pour les garçons et les filles. Bien sûr, c'est difficile de me mettre dans la peau d'une jeune lesbienne (!) mais je suis entouré de femmes qui me conseillent sur le sujet.
Comment travaillez-vous avec les auteures?
Isabelle Le Coz: Nous avons tendance à fidéliser les auteures comme Cy Jung ou Véronique Bréger qui ont publié leur premier roman chez nous. Mais nous recherchons toujours de nouveaux talents. Souvent, il faut intervenir sur le texte, cela prend du temps. Il y a trois ans, nous avons reçu par la poste L'archipel des faux semblants. Le manuscrit était constitué de nouvelles, et sur notre conseil, l'auteur l'a retravaillé pour en faire un roman publié cet automne. En ce moment, nous travaillons sur un autre roman qui se passe à Beyrouth. Il a du potentiel, mais il faut revoir le texte ligne par ligne.
Céline Lion: Pour les auteurs étrangers, il faut déjà faire de recherches, contacter leur agent, travailler sur la traduction... Mais de toutes façons, le travail de réécriture en collaboration avec les auteurs est inhérent à la démarche d'édition.
Christine Lemoine: Il n'y pas assez de maisons d'édition et leur charge de travail est lourde. Donc beaucoup de lesbiennes s'autoéditent ce qui est un peu dommage car elles ne bénéficient pas de ces échanges fructueux avec l'éditeur. Je constate d'ailleurs que les maisons ne sont pas concurrentes, il y a une forte demande.
Quelles sont les attentes des lectrices?
Isabelle Le Coz: Toutes les collections marchent bien, même s'il y a davantage d'attente pour les livres étrangers.
Céline Lion: Bien sûr la collection «romance» ou la littérature populaire ont un public plus large. Elles séduisent des femmes plus jeunes qui ne lisaient pas auparavant. Nous avons avec nos lectrices des rapports de confiance, elles s'approprient la maison d'édition, elles nous envoient des petits mots, nous donnent leur avis.
Quelles sont vos principaux défis?
Céline Lion: Outre les difficultés générales liées au secteur de l'édition, en pleine mutation à l'ère du numérique, le principal problème reste la diffusion. Pour faire connaître ces livres, il faut qu'ils trouvent leur place dans des librairies. Or il y a encore des réticences dans de nombreuses librairies pour un rayon homo.
Isabelle Le Coz: Bien sûr, nous avons nos fidèles qui nous suivent depuis le début. Mais nous avons besoin de nous faire connaître auprès des plus jeunes générations.
Quels sont vos coups de cœur pour 2012?
Isabelle Le Coz: Nous allons en 2012, publier nous aussi, la traduction d' un roman d'Emma Donoghue, Landing. Décidément l'auteure à suivre en ce moment...
Céline Lion: Nous allons pour la première fois publier un essai, un texte paru en Espagne, Homographie. C'est une réflexion sur la place de l'homosexualité dans la société, la lutte pour le mariage, etc. Son ton provocateur devrait faire réagir...
Sébastien G. Martin: Nous avons une cinquantaine d'auteurs et nous allons publier une dizaine d'ouvrages qui sont tous des coups de cœur!
Photos: Marie Kirschen pour TÊTUE.
Par Isabelle Romero vendredi 13 janvier 2012
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