Livres: l’homosexualité s’invite au rayon jeunesse
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Livres: l’homosexualité s’invite au rayon jeunesse
Si les maisons d’édition affirment ne plus avoir de tabous, l’homosexualité reste encore un thème marginal dans la littérature jeunesse. Une autocensure entretenue par plusieurs facteurs.
Vous ne les trouverez pas en tête de rayon à la Fnac. Plutôt alignés discrètement sur une étagère un brin poussiéreuse. Et pourtant. Depuis les années 2000, les livres jeunesse parlant d'homosexualité sont de plus en plus nombreux et doivent jouer des coudes pour trouver une place dans les rayonnages.
«L'homosexualité a profité d'un mouvement d'ouverture de la littérature jeunesse aux thèmes de société, comme le divorce, ou le handicap. On est loin de Martine va à la ferme, il s'agit désormais de décrire la réalité», analyse Catherine Florian, de la librairie féministe et homo Violette and Co, à Paris. «Des maisons d'édition autrefois très réticentes, comme Gallimard ou Actes Sud, ne se censurent plus», affirme Lionel Labosse, écrivain jeunesse et militant homo qui chronique l'actu littéraire sur altersexualite.com.
Sur la douzaine d'éditeurs interrogés, tous admettent recevoir régulièrement des manuscrits comportant un personnage homo. «C'est devenu une mode, un sujet incontournable de la littérature jeunesse, observe Soazig le Bail, des éditions Thierry Magnier. Les éditeurs veulent LEUR bouquin traitant d'homosexualité.» Tous l'affirment: «si le livre est bon, peu importe qu'un personnage soit gay, noir ou juif.»
Homosexualité banalisée
Dans les faits, on observe encore des résistances: rien ou presque chez Hachette, Pocket, ou Flammarion. «L'occasion ne s'est pas présentée», répondent-ils de façon unanime. Frilosité ou manque de nez de la part des éditeurs, certains auteurs -dont les livres ont cartonné- se tournent vers les maisons clairement estampillées «homo» ou l'autoédition. C'est le cas du Paradis de Paco ou de Dis MamanS aux Editions gaies et lesbiennes.
«Si un frétillement est perceptible depuis une quinzaine d'années, la production reste marginale par rapport à l'ensemble de la littérature jeunesse. Pour les questions de transidentité, c'est carrément le désert...», nuance Catherine Florian. La réelle avancée se situe plutôt dans la manière dont on parle d'homosexualité: en la banalisant, sans forcément en faire un thème.
Donner de mauvaises idées aux enfant
Les personnages homos ne sont plus forcément les héros, ils se fondent dans l'histoire et vivent leur amour sans que ce soit vécu comme un drame. «On trouve désormais l'idée selon laquelle on peut être homo et heureux», observe Lionel Labosse. Dans l'ouvrage collectif La première fois (Gallimard, 2011), l'une des huit nouvelles parle d'homosexualité. Preuve pour Lionel Labosse qu'elle fait désormais partie de LA sexualité en générale. Avec son lot d'amalgame: dans L'encyclopédie de la vie sexuelle (Hachette), les pages consacrées à l'homosexualité sont immédiatement suivies d'un chapitre sur la pédophilie...
«Dans homosexualité, le public n'entend que «sexualité» et pense que cela va donner de mauvaises idées aux enfant... Les livres sur l'homoparentalité -souvent pour les petits- sont souvent mieux reçus car ils évacuent l'aspect sexuel», analyse Catherine Florian. «La sexualité des ados effraye les adultes, qui ne savent pas comment en parler, ajoute Soazig le Bail. Ce sont les parents qu'il s'agit de convaincre: ce sont eux qui achètent les livres. Les éditeurs restent consensuels pour leur plaire.»
Autocensure
Et gare à ceux qui sortent du «droit chemin». En 2005, L'Ecole des loisirs a reçu plus de 4 000 mails et lettres d'insultes pour son livre Jean a deux mamans. «Il est intolérable et pernicieux de vouloir faire passer dans les mœurs une pratique aussi dégradante», s'indignait un parent. «Régulièrement on reçoit des courriers nous demandant de mettre un avertissement sur ces livres, pour mieux cibler le public concerné par «ce problème», explique François Martin d'Actes sud junior. Les grandes maisons d'édition sont frileuses car elles veulent être lues dans les milieux scolaires.»
Résultat: on aboutit à une forme d'autocensure entretenue par ce que Catherine Florian nomme «la chaine alimentaire du livre»: «les auteurs craignent de ne pas être publiés, les éditeurs et les libraires de ne pas vendre leurs stocks. Et les enseignants de se faire taper sur les doigts par des parents un trop puritains. Au public de montrer qu'il existe une demande pour sortir de cette spirale infernale.»
Lire également: Quels livres choisir pour parler d'homosexualité aux plus petits?
Par Marie Slavicek vendredi 20 janvier 2012
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