Brigitte Kernel: «Beaucoup se fichent que mon livre parle d'un amour entre femmes»
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Brigitte Kernel: «Beaucoup se fichent que mon livre parle d'un amour entre femmes»
INTERVIEW. Dans son dernier roman, Brigitte Kernel met en scène un trio féminin et nous raconte comment la vie peut basculer «A cause d’un baiser». L'auteure ouvertement lesbienne en a dit plus à TÊTUE sur ses histoires d’amour, sa vision du couple et du désir.
Ecrivaine, productrice-animatrice à France Inter (Noctiluque), Brigitte Kernel publie A cause d’un baiser (Flammarion). Un roman dans lequel elle met à nouveau en scène le couple que forme la narratrice avec Léa depuis Fais-moi oublier, sorti en 2008. Un couple qui tangue depuis un baiser échangé avec la mystérieuse Marie, aussitôt avoué à Léa mais qui va remettre en cause tout ce qu’elles avaient construit depuis trois ans. Faut-il tout dire à l’être aimé? Comment réagir face au vertige du désir?
TÊTUE: Pourquoi avoir donné une suite à Fais-moi oublier?
Brigitte Kernel: Les deux livres peuvent se lire de façon indépendante. Je ne pensais pas écrire un 2e volume. J’étais partie sur un autre projet mais j’ai reçu des centaines de messages me disant que je n’avais pas le droit de laisser les personnages comme ça! Aujourd’hui je songe à un 3e tome mais ne suis pas encore sûre de l’écrire. Après on arrive aux Chroniques de San Francisco ou à The L Word et le risque est de ne plus écrire que cela (rires).
Vous relatez une relation amoureuse entre femmes sans jamais employer les mots «homosexualité» ou «lesbiennes»...
Je suis pour la banalisation. Ça pourrait être une relation entre un homme et une femme, ou entre deux hommes. Nommer c’est déjà établir une sorte de discrimination. Enfant, mes parents ont divorcé. A l’époque ce n’était pas banalisé. J’ai entendu au lycée certains professeurs dire «c’est une enfant de divorcés». Aujourd’hui on ne dirait plus cela! Pourquoi ne pas envisager la même chose pour les homos dans dix ans? J’aimerais qu’on ne soit plus mal à l’aise devant son patron quand il nous demande si on est marié-e.
Etes-vous militante?
Je ne fais pas partie d’une association. Les militants font un boulot monstre, je les admire. Je pense aussi à des gens comme Madame Moune, qui a résisté pendant l’Occupation en continuant de recevoir des femmes dans son club. Moi je préfère y aller en douceur, participer à des débats un peu partout... Surtout avec des parents, pour qu’ils aident leurs enfants homos à s’épanouir.
Les artistes ont-elles aussi un rôle à jouer?
Bien sûr! Le message passera dans les différentes couches sociales en parlant le plus simplement, comme l’ont fait par exemple Zazie avec Adam et Yves, Mylène Farmer avec Sans contrefaçon, ou encore Nina Bouraoui et Virginie Despentes. Toutes ne sont pas homos mais évoquent le sujet et font donc passer les choses en délicatesse. Les artistes ont la chance de pouvoir s’exprimer. Quelques-uns le font avec talent. C'est admirable. Et utile.
Est-ce que cela vous gêne d’être classée comme auteure lesbienne?
Je veux bien être qualifiée d’auteure qui aime les femmes - ou plutôt sa femme (sourire) - mais je me sens auteur au sens large et j’ai dans la tête d’autres romans dont le sujet n’est pas l’homosexualité. L’intitulé me gêne parce qu’il délimite, enlève de la liberté. Parmi les gens qui achètent mes livres, beaucoup se fichent que ce soit une histoire de femmes! Pour eux c’est d’abord une histoire d’amour. Je reçois des témoignages de couples hétéros et ça me touche énormément.
La trahison est au cœur de votre livre. Pourquoi cette thématique?
J’ai vécu la trahison, c’est une explosion qui bousille trois personnes et j’avais envie d’en parler. Ce n’est pas possible de ne pas ressentir un jour un trouble pour quelqu’un d’autre quand on est en couple depuis longtemps. La résistance au désir est un sujet magnifique! La vraie question que pose le livre n’est pas «est-ce qu’on peut aller voir ailleurs?» mais plutôt «suis-je à ma place?» Je suis une vraie romantique, je rêve d’un amour qui dure toujours. Même s’il y a un coup de canif dans le contrat, un grand amour peut rebondir. J’y crois! Il y a une formule qui dit que «les grands amours ne meurent jamais». J'en suis certaine.
Comment entretenir la flamme?
L’amour se cultive. Ce sont les détails qui comptent, il faut faire attention aux petits gestes qui disparaissent dans le quotidien du couple. De grands amours, nous en avons un, peut-être deux. Le reste de sa vie, on le passe à se balader avec un miroir sous le bras qui ne fait que refléter l’impossibilité de retrouver le reflet perdu.
A cause d'un baiser de Brigitte Kernel
Editions Flammarion
Photo: David Ignaszewski/Koboy/Flammarion.
Par Anne Delabre jeudi 08 mars 2012
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