La poétesse lesbienne américaine Adrienne Rich est décédée

Essayiste d'avant-garde farouchement engagée, ouvertement en couple avec sa compagne, elle s'était notamment distinguée par un article retentissant qui avançait l'idée d'un «continuum lesbien». Âgée de 82 ans, elle vient de nous quitter.



L'immense poète et essayiste d'avant-garde Adrienne Rich s'est éteinte mercredi à Santa Cruz. Née en 1929 à Baltimore, la jeune femme s'enthousiasme vite pour James Baldwin et Simone de Beauvoir. Et la jeune étudiante, brillante et déjà féministe, engagée en faveur des réformes sociale et des droits civiques, publiera dès 1951 Change of world (qui lui vaudra le prix des jeunes poètes de Yale, décerné par W.H. Auden). Près de vingt-ans plus tard, pour Diving into the Wreck, considéré comme son chef-d'oeuvre, elle recevra même les honneurs du National Book Award (en 1974).

Elle vivait ouvertement avec sa compagne
Depuis 1976 - elle fut auparavant mariée à l'économiste Alfred Conrad - elle vivait ouvertement avec sa compagne Michelle Cliff. Adrienne Rich n'était pas femme à se satisfaire des décorations et honneurs. Intellectuelle critique, farouchement engagée contre la guerre du Vietnam, elle ne cessera jamais, sans jamais céder à la facilité des «bons sentiments» (qu'elle avait en horreur), de s'en prendre au militarisme et au cynisme des gouvernements américains - refusant le confort des évidences académiques, elle écrira qu'il n'est «pas de poésie sans vision sociale et critique». En 1997, elle exclura ainsi de recevoir la Médaille Nationale des Arts (qu'aurait dû lui décerner Bill Clinton), puis critiquera violemment l'engagement américain en Irak et, bien sûr, la torture.

Adrienne Rich s'était aussi distinguée par un article retentissant, Compulsory Heterosexuality and Lesbian Existence, qui allait durablement marquer les études gays et lesbiennes. Avançant l'idée d'un «continuum lesbien» - allant de la simple amitié entre femmes jusqu'à la relation sexuelle - elle redonnait une existence à tout un monde d'affections, d'amitiés féminines passionnées, sur le fond duquel la sexualité entre femmes n'apparaissait plus comme une «déviance» ou une «abomination». En redonnant à l'amour entre femmes une place et une existence jusque là «fragmentée, mal nommée, effacée», Adrienne Rich appellera à résister à la «contrainte à l'hétérosexualité» - l'expression fera sensation (lire notre article)-, c'est à dire à l'injonction à se conformer aux modèles affectifs, culturels et sociaux de l'hétérosexualité.

Regardez une vidéo dans laquelle elle lit son poème What kind of times are these?



Photo: capture d'écran.

Par Gildas Le Dem vendredi 30 mars 2012

Source : http://www.tetu.com