Franck Riester sur le mariage: «Il faut convaincre que ce n’est pas une loi communautariste»
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Franck Riester sur le mariage: «Il faut convaincre que ce n’est pas une loi communautariste»
INTERVIEW. Depuis mardi, il n'est plus le seul député UMP à vouloir voter en faveur du projet de loi sur le mariage pour tous. Avant d'aborder le débat de la semaine prochaine, quel est son état d'esprit?
TÊTU: Jean-François Copé, président de l’UMP, a appelé à manifester contre l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples homosexuels, comprenez-vous un tel appel?
Franck Riester: Non, même si je respecte celles et ceux qui ont un avis différent du mien. C’est un sujet complexe qui touche aux convictions personnelles de chacun, mais je pense que c’est un débat de société qui ne devrait pas faire l’objet d’une instrumentalisation politique parce que notre devoir, en tant que responsables politiques, c’est de faire en sorte qu’il y ait un débat apaisé sur ce sujet-là, respectant les points de vue de chacun. Or, si on politise trop la question, on risque de cliver davantage, d’exacerber les tensions. C’est la raison pour laquelle je n’ai pas souhaité manifester pour le texte lors de la manifestation du 16 décembre. Pourtant, je voterai pour le texte le jour où il se présentera à l’Assemblée nationale, mais je pense qu’il ne faut pas radicaliser les positions. Je l’ai dit en bureau politique de l’UMP, puisque ce débat touche des femmes et des hommes, qui peuvent être blessés, voire leurs enfants.
Quelles sont les raisons qui ont amené l’UMP à se positionner aussi fortement sur ce sujet ces dernières semaines ?
Manifestement, le fait qu’il y ait une majorité de nos militants et de nos sympathisants contre le texte a incité nos responsables politiques à prendre position contre. Et la campagne pour la présidence de l’UMP a contribué à exacerber les positions de chacun. D’une certaine façon, ce calendrier n’a pas été favorable à ce que la position de l’UMP soit plus équilibrée.
Comme une manière d’éviter les sujets qui fâchent ?
Non, nous étions dans un moment où il fallait galvaniser les militants, essayer d’avoir le maximum de militants avec soi.
Car François Fillon s’est positionné contre aussi…
Justement, pour essayer d’avoir ceux qui étaient contre dans notre famille politique, chacun y est allé de sa surenchère en essayant d’apparaître comme l’opposant le plus déterminé au texte.
Vous avez exprimé vos réserves en bureau politique de l’UMP, vous avez critiqué un projet d’affiche qui détournait le logo de SOS Racisme… Mais en avez-vous parlé personnellement à Jean-François Copé?
Un, j’en ai parlé en bureau politique, et j’en parle régulièrement en réunion de groupe à l’Assemblée Nationale. Deux, j’ai dit qu’on ne pouvait pas réclamer un débat public très large sans que nous n’en débattions en interne. Or, il faut se souvenir qu’au moment de la préparation du projet législatif et présidentiel de l’UMP, Jean-François Copé et Bruno Le Maire qui préparaient ce projet avaient décidé qu’ils n’allaient pas trancher sur cette question-là car c’était un sujet de conflit dans notre famille politique. On laissait la main au président de la République, et on remettait à plus tard la discussion le jour où il y aurait un projet de loi. Or, depuis, l’UMP a statué avant même qu’il y ait un débat en interne. Finalement, au cours du mois de janvier, il y a eu un débat sur le fond du dossier, mais j’aurais préféré qu’on l’ait avant de déterminer la position de l’UMP, ce qui aurait été quand même plus logique. Mais j’en ai aussi parlé personnellement à Jean-François Copé qui m’a redit qu’il s’opposait au texte et qu’il défilerait le 13 janvier, et je lui ai dit que je pensais que ce n’était pas souhaitable pour toutes les raisons que j’ai évoquées. En tout cas, le fait que je m’exprime pour le texte facilite la parole de celles et ceux qui ne sont pas forcément pour le texte mais qui pensent qu’il faut qu’il y ait des évolutions dans notre législation pour plus d’égalité des droits et de protection pour les enfants qui naissent dans des familles homoparentales. À droite, il y a une chape de plomb sur ce sujet, et depuis que je me suis exprimé, d’autres se sentent plus libres pour dire que nous devons avoir des propositions alternatives au projet du gouvernement et ne pas rester sur une opposition frontale.
Et pourtant, à droite, pas uniquement l’UMP, les différentes personnalités qui s’étaient exprimées pour l’ouverture du mariage et de l’adoption, on ne les a pas trop entendus ces derniers temps…
Je discute beaucoup avec différents responsables de ma famille politique, et je reste convaincu qu’un certain nombre d’entre eux seront amenés à voter le texte in fine, si le débat les convainc, même s'ls ne sont pas d’accord avec tout. Car beaucoup d’élus de droite sont opposés au texte, non par homophobie, mais parce qu’ils ont grandi dans un environnement éloigné de cette réalité. C’est pourquoi je pense qu’avec ce débat, ils seront peut-être amenés à voter le texte ou, en tout cas, à s’abstenir. D’ailleurs, les lignes bougent: je me réjouis que mon collègue Benoist Apparu ait annoncé qu’il votera le texte. J’ai bon espoir que d’autres suivent.
Vous dites «non pas par homophobie», et pourtant les responsables de l’UMP ont peu ou pas du tout dénoncé les dérapages de ces derniers mois…
Il faut dénoncer les dérapages et en même temps je pense qu’il faut mobiliser d’abord notre énergie pour expliquer à nos compatriotes pourquoi c’est un bon texte, pourquoi c’est important que, dans la société que l’on souhaite, deux personnes qui s’aiment, quelle que soit leur orientation sexuelle, puissent avoir accès aux mêmes types d’union, puissent avoir leur amour reconnu par la société, bénéficier des mêmes sécurités que les autres. C’est important qu’on prenne enfin en considération des familles qui existent en nombre: elles n’ont aucune raison de ne pas avoir les mêmes droits que les autres. Il est nécessaire d’expliquer cela, même à ceux qui sont contre ce projet de loi, pour justement essayer de les convaincre que ce n’est pas du tout un projet de loi communautariste, comme c’est souvent dit, et que le texte ne met pas en danger la société ni même la conception de la famille qu’ils peuvent avoir, mais qu’au contraire, c’est davantage de famille finalement, c’est davantage de valeurs familiales portées par un plus grand nombre de personnes. Et quand on est de droite, on devrait se réjouir que ces valeurs soient davantage revendiquées! C’est d’ailleurs ce qui conduit David Cameron en Angleterre à faire voter un texte similaire. Nous ne devons donc pas tomber dans le panneau de la sortie homophobe ou extrémiste, mais concentrer notre énergie sur les arguments les plus convaincants possibles.
Quand Roselyne Bachelot, dans TÊTU, appelle la droite à ne pas se tromper de combat et ne pas avoir un train de retard…
Je n’aime pas trop ce côté les modernes contre les ringards. Ce n’est pas l’angle avec lequel je veux aborder ce texte. Je ne fais pas de procès à mes collègues qui sont dans une autre démarche. Je veux les convaincre, c’est ça qui compte pour moi, et je ne les convaincrai pas en disant qu’ils sont ringards. Je vais les convaincre en disant: «voilà pourquoi c’est un bon texte».
Vous parliez des militants de l’UMP tout-à-l’heure, plutôt opposés, avez-vous eu l’occasion d’en parler avec eux?
Bien sûr, je ne veux pas faire de la politique hors-sol! D’abord, je rencontre les citoyens de ma circonscription qui en font la demande, soit parce qu’ils sont directement concernés, comme les notaires, les familles homoparentales, soit parce qu’ils sont intéressés par le sujet. Ensuite, je participe aux débats auxquels on m’invite pour défendre mes convictions. Début décembre, j’ai ainsi participé à un débat en Mayenne, une terre très catholique, à l'invitation du député Yannick Favennec. À la tribune, il y avait Hervé Mariton, qui est contre le texte, Gilles Bourdouleix député maire de Cholet, contre également, ainsi qu’un notaire, un prêtre, et une présidente d’association familiale de Mayenne, tous contre. Face à nous, 300 personnes dont la majorité était contre, et j’ai défendu pendant trois heures et demie ce texte en expliquant, en essayant de convaincre, en démontant les arguments avancés par mes contradicteurs. Courant janvier, j’ai participé à d’autres débats, et systématiquement, les gens sont venus me voir à la fin, pour me dire: «on n’est pas d’accord avec vous mais vous nous avez quand même interpellés sur un certain nombre de points et en tout cas bravo pour votre courage». Si on veut toucher ces gens qui ne sont pas convaincus, je crois qu’il ne faut pas les pointer du doigt mais essayer au contraire de trouver les mots pour les faire bouger dans leurs certitudes. Donc oui, je rencontre les militants et je n’ai pas peur d’aller au-devant de celles et ceux qui sont contre le texte et parfois même très opposés.
Depuis votre coming out, le regard des militants a-t-il changé sur vous?
Non, je n’en ai pas le sentiment. Après, je n’ai pas fait de sondages! Mais j’ai été réélu très largement dans une terre où le Front national a fait plus de 20% au premier tour de l’élection présidentielle, et cela n’a pas eu de conséquences sur mon élection, et les militants ont respecté la façon dont j’ai dit les choses, peut-être parce que je l’ai fait d’une manière très naturelle.
Mais cela a-t-il interféré dans le débat?
En fait, je ne suis pas dans une démarche militante, mais dans la démarche d’un élu de la République qui a à se prononcer sur un texte qui vient à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Les gens le perçoivent bien. Ensuite, ce n’est pas parce que je suis homosexuel, et que je l’ai dit publiquement, que je ne peux pas défendre le texte comme n’importe quel hétérosexuel. Je ne dois pas m’autocensurer de quoi que ce soit sous prétexte que je suis homosexuel!
Êtes-vous favorable à l’accès des couples de lesbiennes à la PMA?
Oui, j’y suis favorable. Je pense que cela est plus opportun de régler la question dans le cadre d’une loi bioéthique globale. C’est d’ailleurs ce que propose le gouvernement. Nous sommes en face d’une réalité: aujourd’hui, un nombre important de couples de femmes le font déjà, soit d’une manière artisanale en France, soit en Belgique ou en Espagne. Il est de notre responsabilité de l’encadrer en France, au nom de l’égalité financière et de la santé publique. À cette occasion, il faudra aborder la question de la PMA non-médicale pour les couples hétérosexuels et la question de l’anonymat des donneurs. Après, l’ouverture éventuelle de la PMA à des couples hétérosexuels non stériles est un sujet dont il faudra reparler. Mais rappelons sans ambigüité que seuls le mariage et l’adoption seront concernés par ce texte.
Comprenez-vous les hésitations du gouvernement?
Je pense que le gouvernement aurait dû trancher directement les choses dès le départ de la présentation du texte.
Les opposants au mariage font souvent croire que la gestation pour autrui est dans le texte. Quelle est votre position sur les «mères porteuses»?
Ce n’est pas dans le texte, et je pense qu’il ne faut pas que cela le soit. La GPA n’est pas légale pour les hétérosexuels, il n’est pas question de l’ouvrir pour les homosexuels. Nous aurons le temps d’avoir ce débat dans l’avenir. La GPA pose des questions très lourdes qui ne peuvent pas être traitées dans un amendement.
Retrouvez un extrait de cet interview dans le numéro de février de TÊTU (à découvrir ici), avec aussi un grand dossier sur «ceux qui disent oui», et l'interview de Harlem Désir, premier secrétaire du Parti socialiste.
Par Marc Endeweld vendredi 25 janvier 2013
Source : http://www.tetu.com
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