Hervé Mariton: «Je ne suis pas la nouvelle Christine Boutin»
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Hervé Mariton: «Je ne suis pas la nouvelle Christine Boutin»
INTERVIEW. Cet élu UMP aura été l'un des incontournables des 109 heures de débat qui viennent de s'achever à l'Assemblée nationale. Rencontre.Incontestablement, c'était l'une des stars, fût-elle un brin réac, du débat qui s'est achevé cette nuit à l'Assemblée nationale. Le député UMP de la Drôme, avec ses incessants rappels au règlement, était l'un des plus visibles (et les plus vocaux!) des élus de l'opposition. Tout en échappant aux caricatures: il aura suscité finalement peu de dérapages verbaux lorsqu'on le compare à ses collègues de banc. Après avoir interrogé Olivier Dussopt et Corinne Narassiguin (PS), Sergio Coronado (EELV) et Yves Jégo (UDI), TÊTU a cherché à en a savoir plus sur ce conservateur haut en couleurs.
TÊTU: Pourquoi vous opposer à ce projet quand on voit que dans les autres pays où cela existe déjà, ça s'est très bien passé?
Hervé Mariton: La France est différente. Il y a une sacralité républicaine du mariage qui n'existe pas dans les pays où la mariage civil et le mariage religieux ont la même valeur. Il faut donc protéger le mariage davantage. De plus, sans être dans une attitude homophobe, on peut dire que ce n'est pas la meilleure réponse aux enjeux qui concernent les personnes homosexuelles et que son effet sur les structures familiales traditionnelles n'est pas positif. Troisième chose: le mariage homosexuel amène à poser sur la place publique la question de l'orientation sexuelle. Je ne pense pas que ce soit indispensable.
L'homosexualité n'est pas un sujet politique?
Si, je ne le conteste pas. Mais il n'a pas à façonner la politique. Certains pensent par exemple que c'est parce que Franck Riester a dit son homosexualité qu'il est favorable à la loi, j'aimerais penser que ça ne doit pas être aussi systématique. Les gens doivent être libres de dire ce qu'ils veulent de leur vie privée. Si je suis marié avec quatre enfants, si je suis juif, j'ai le droit de le dire ou pas.
Vous comprenez que votre opposition au texte puisse être vue comme de l'homophobie?
Cela me blesse un peu. Il y a une forme d'incompréhension. Il est possible que l'on vienne de loin – mais même à l'UMP, en interne, ça bouge un peu – et que l'on n'ait pas suffisamment expliqué nos positions. Mais je vois parfois des arguments… par exemple, j'ai lu dans Têtu l'interview de Mylène Farmer où elle expliquait qu'elle est pour le mariage parce qu'il y aurait des enfants à adopter dans les orphelinats… Il faut expliquer que ce n'est pas vrai.
Pour autant, je suis ouvert à quelque chose qui ressemble à de l'adoption simple, y compris pour des couples homos, pour autant que ça ne s'appelle pas ainsi. Je pense que ça doit poser des problèmes qui peuvent apparaître du fait de la confusion de nom entre adoption simple, c'est-à-dire responsabilité du tiers, et adoption plénière, avec la filiation complète. Je regrette qu'on n'ait pas eu ce débat.
Vous défendez surtout la famille traditionnelle…
Certains ont du mal à l'entendre, mais mon combat n'est pas par rapport aux couples homos. Le concept que j'ai créé, c'est celui de la «famille durable». Pour dire: attention, on ne met pas toutes les formes de vie familiale sur le même plan. Je ne veux pas stigmatiser les «filles-mères», et on accorde aux parents isolés une sollicitude légitime de la collectivité. Pour autant, je ne m'interdis pas de dire que la monoparenté est une des causes majeures de la précarité aujourd'hui, qu'elle implique un risque de suicide et de délinquance, même si c'est horrible à entendre.
En effet. En différenciant les «familles durables» et les autres, on comprend que vous parlez quand même de familles supérieures ou inférieures.
Je n'ai jamais dit ça. Une différence n'est pas une discrimination. Il y a des formes de familles ordinaires – cela peut vous paraître ringard mais je l'assume: c'est le père, la mère, les enfants, qui me paraissent heureuses pour le développement des enfants. Et il y a d'autres formes qui résultent de choix, d'orientations, de modes de vie, d'accidents de la vie… Je ne dis pas que ça n'existe pas.
Vous comprenez que certaines personnes dans des familles monoparentales ou homoparentales peuvent souffrir en vous entendant parler d'elles ainsi?
Je l'entends, et je fais attention de n'insulter personne. Je ne veux pas dire que si le gouvernement n'avait pas passé ce texte il n'y aurait pas eu de souffrance… mais c'est quand même un peu le cas. Le fait de s'opposer à une proposition de loi ne permet pas de dire qu'on fait souffrir ceux qui souhaiteraient la proposition de loi. Au bout du compte, cette logique entraîne l'idée que ceux qui s'opposent à cette loi sont homophobes.
Puisque ces familles existent, on ne peut pas avoir envie de les protéger?
Je suis plus sur le débat pour les familles durables que spécifiquement sur les familles homos. Mais le débat homo a sa place. Je dis que pour ces familles homoparentales, l'union civile est plus adaptée.
Vous prônez cette union civile comme contre-proposition au mariage pour tous. On sait pourtant que Nicolas Sarkozy y avait renoncé parce qu'elle serait recalée par le conseil constitutionnel!
Mais l'argument de Sarko ne tient pas debout. Si cet argument était valable, le mariage aujourd'hui serait inconstitutionnel puisqu'il est réservé aux hétéros. Or en répondant à la QPC sur le sujet, le Conseil constitutionnel n'a pas dit cela. On peut donc avoir deux unions différentes pour des sexualités différentes. De même, si le pacs avait été réservé aux homos, on aurait pu le faire progresser davantage.
Vous avez assisté à de nombreuses séances en commission. Vous y avez appris des choses?
Je ne stigmatise pas le divorce ou les familles homoparentales. Là où je ne peux pas suivre, c'est dire que le désir d'enfant amène à faire enfant. Ce n'est pas Prométhéen, c'est choséifiant. Faire enfant, c'est fabriquer quelque chose. Madame Taubira rigole en me disant «et le clonage?» J'ai vu qu'on pouvait envisager de se reproduire sur la base de deux mâles. Je dis: attention au glissement et l'évolution vers des schémas humains qui dépassent le raisonnable. Vous allez me dire que ce que je dis est indigne…
On dit surtout que ce n'était pas dans la loi sur le mariage!
C'est vrai que le caractère répétitif de certains arguments dépassait un peu le cadre du sujet. Mais reconnaissez que les adoptions que permet le texte sont très limitées en nombre. Donc la question de la PMA va se poser. Et celle de la GPA bientôt. On nous parle sans cesse de l'exemple anglais, mais PMA et GPA sont possibles en Angleterre, on n'en est donc pas loin. Je regrette que le gouvernement ait forcé les choses plutôt que se poser, et réfléchir aux conséquences de ce qu'on fait pendant six mois.
Vous nous dites qu'il faudrait prendre plus de temps, faire un référendum, pourtant on ne cesse de nous répéter qu'il y a sujets plus importants!
Mais je pense que c'est un sujet important, même si ce n'est pas le seul. Et en tant qu'orateur du groupe UMP sur ce thème, orateur à la commission des finances, et délégué général de l'UMP chargé du Projet, je suis bien placé pour le dire. Et à ceux qui disent que l'UMP devient le Tea Party, je réponds que non, je ne suis pas le Tea Party, mais le thé est une excellente boisson (sourire).
Vous êtes conscient que vos interventions, en particulier vos nombreux rappels au règlement, auront marqué les esprits?
Je ne sais pas, c'est inédit pour moi. Mais je ne suis pas, comme certains le voudraient, la nouvelle Christine Boutin. Le débat qu'on a eu ne ressemble en rien au débat sur le pacs. Tout débordement est condamnable, mais il n'y en a pas eu beaucoup, me semble-t-il, et ceux de la gauche, nous traitant d'homophobes, étaient beaucoup plus violents. J'ai aussi remarqué, bien que je sois daltonien, que l'on a beaucoup parlé de mes pulls (le Coloriton). Cela m'a amusé. Si quelqu'un veut m'offrir un pull arc-en-ciel, je promets de le porter en séance!
Vous êtes un spécialiste de la Russie. Que pensez-vous du climat homophobe qui y règne (un projet de loi en cours de vote pourrait interdire tout «discours» ou toute visibilité de l'homosexualité dans le pays)?
Je le dénonce. J'ai déjà donné une interview à la télévision russe, ils ont cherché à me faire prononcer des choses que je ne dis pas… Je suis vice-président de la commission franco-russe – où un interlocuteur m'a expliqué qu'ils voulaient protéger les enfants dans les jardins publics d'ailleurs – j'ai été le seul parlementaire à dire que ce qui se passe en Russie n'est pas acceptable.
Si l'un de vos enfants vous annonçait qu'il était homosexuel et qu'il voulait fonder une famille, quelle serait votre réaction?
Je ne sais pas (silence). Je ne sais pas forcément tout de leur vie sexuelle. Mes enfants, pour ceux qui sont majeurs, sont libres. Sur le désir d'enfant… j'essaie d'avoir une influence sur leur vision du monde, c'est aussi ma responsabilité de parent. S'ils me font part de ce projet, je leur dirais que ça ne me paraît pas être une bonne idée. Ensuite, ils décideront librement de vivre leur vie.
Regardez l'une des surprises du débat, survenue le 8 février: un amendement proposé par Mariton voté à l'unanimité!
Propos recueillis avec Antoine Patinet.
Photo: AFP. Vidéo: Le Lab Europe 1.
Par Paul Parant dimanche 10 février 2013
Source : http://www.tetu.com
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