«J'ai été la première personnalité à faire son coming out en Chine»
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«J'ai été la première personnalité à faire son coming out en Chine»
Entretien avec Cui Zi’en, pionnier du mouvement gay en Chine. Le Forum des images de Paris a invité le cinéaste dans le cadre d’un cycle de films et de rencontres baptisé «Pékin à Taipei, 1000 visages de la Chine».
Quelle est la situation des gays en Chine? Comment arrivent-ils à vivre dans un pays qui a censuré le mot «homosexualité» dès 1949? Rencontre avec le cinéaste Cui Zi’en, pionnier du mouvement gay en Chine. Le Forum des images, à Paris, a invité le réalisateur et activiste dans le cadre du cycle de films et de rencontres baptisé Pékin à Taipei, 1000 visages de la Chine. Son dernier documentaire Queer China, «Comrade» China, sera projeté dimanche soir.
TÊTU.com: Vous êtes professeur, écrivain, cinéaste et défenseur des droits homosexuels. Laquelle de ces activités vous définit le mieux?
Cui Zi’en: Je dirais celle d’écrivain et puis aussi le fait qu’ayant été la première personnalité homosexuelle à faire son coming out en Chine j’ai, à un moment, bousculé la société.
En Occident, on connait mal la place de l’homosexualité dans la culture et la société locale. Comment l’expliquez-vous?
Il faut dire que le mot «homosexualité» a été censuré en Chine dès 1949 à l’arrivée de Mao (Zedong) au pouvoir. A partir de ce moment-là, tout a été mis en place pour une égalité homme / femme, même si c’était une fausse égalité. La question de l’homosexualité est revenue sur le devant de la scène en 1989 (ndlr, le soulèvement réprimé sur la place Tian'an men) et c’est à cette époque que j’ai fait mon coming out.
La Chine a changé de façon surprenante ces vingt dernières années, et des villes comme Shanghai ou Pékin donnent l’impression d’être devenus totalement occidentalisées. Est-ce que le boom économique s’est accompagné d’une révolution des mœurs?
A l’époque de Deng Xiao Ping, celui-ci a imposé un double système qu’il résumait ainsi: «on regarde à gauche et on tourne à droite». D’un point de vue politique et social, on restait dans l’orthodoxie maoïste, voire on allait vers un durcissement. Et en même temps, l’économie devenait clairement capitaliste. Le gouvernement chinois parle très librement d’emprisonnement, d’exécution politique. La police secrète est très présente et gèle toute évolution véritable.
Dans votre combat, vous êtes très radical dans vos propos. Pensez-vous que votre liberté de ton et votre notoriété hors de Chine vous protègent de mesures de rétorsion ou d’emprisonnement?
En réalité, même si vous avez peut-être raison, je ne vois pas les choses comme cela. Quand nous organisons un festival de cinéma, que je fais un film, je ne pense pas à l’ingérence du gouvernement. De plus, la police n’arrête pas les militants homosexuels car le gouvernement ne souhaite pas voir la thématique homosexuelle mise en avant ou que cela devienne une question politique. Si l’on arrêtait des activistes homosexuel, cela contribuerait à former une communauté d’opposants au gouvernement. Et il y en a déjà tellement!
Aujourd’hui, on sent que beaucoup de Chinois qui ont atteint un certain confort matériel aspirent à autre chose. Est-ce que cela va se traduire par une volonté de voir évoluer le système politique?
En réalité, la grande majorité des gens qui se sont enrichis ne sont pas éduqués et ne cherchent pas à avoir de responsabilités sociales. Juste à gagner plus. Les érudits eux sont généralement sans argent. Peu de gens, comme moi, œuvrent pour réformer la société. Et nous ne constituons pas une force assez inquiétante pour le gouvernement… qui ne nous voit que comme des grattes papiers.
Les cinéastes gays chinois sont très majoritairement hongkongais, alors que l’ex-colonie britannique a été aujourd’hui rendue à la Chine. Vous tournez vos films encore dans la clandestinité. Pourquoi?
Hong Kong a le droit pour les cinquante années à venir d’appliquer le système britannique, tant au niveau politique que juridique. C’est cette situation qui explique de telles différences, et à tous les niveaux, entre Hong Kong et le reste de la Chine.
Comment réussissez-vous à tourner des films aujourd’hui?
J’ai fait à peu près 30 films, et le plus gros budget dont j’ai disposé était de 20.000 €. Le documentaire Queer China, «Comrade» China, que le Forum des images présente, a obtenu le soutien de la fondation Ford aux Etats-Unis et il est clair que je vais avoir besoin de l’aide de l’Occident pour mes prochains films.
Quels sont justement vos projets?
Je fais des lectures en ligne autour de la thématique homosexuelle. Je souhaite faire lire les homos. Ils ne lisent pas assez à mon goût!
Queer China, «Comrade» China, de Cui Zi’en, le dimanche 24 février, au Forum des Images, Paris (1er), à 21 heures.
Extraits du documentaire (VOST anglaise):
Extrait de Night Scene (2005):
BIOGRAPHIE. Cui Zi’en, homosexuel militant, a subi toutes sortes de maltraitances pour avoir assumé publiquement sa sexualité en 1989. Professeur de littérature à l’Institut du cinéma de Pékin, il sera privé de cours et de salaire, en 1991, et empêché d’enseigner pendant dix ans (il a retrouvé ses classes en 2001). Devenu une figure de la vie artistique et intellectuelle à Pékin, Cui Zi’en a des talents multiples. Auteur du premier roman sur l’homosexualité jamais publié en Chine (Lèvres de pêche, Gallimard, 2010), il réalise également des fictions et des documentaires qui posent un regard poétique, savant et ludique sur la Chine d’aujourd’hui. Il est venu présent récemment à Paris pour présenter Queer China, «Comrade» China, où il s’interroge avec de nombreux témoignages sur la généalogie et l’évolution des mots qui en chinois désignent l’homosexualité. Parmi lesquels figure tonghzi qui signifie camarade.
Photo: DR.
Par Louis Maury vendredi 22 février 2013
Source : http://www.tetu.com
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