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Exclusif: Victime d’une violente agression à Paris, un couple gay porte plainte

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Message par SweetAngel Jeu 17 Juil 2014 - 19:32

Après une première plainte classée sans suite en avril, Pierre-Marie et Didier ont décidé de porter plainte à nouveau le 3 juillet dernier et de témoigner.

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Nous sommes le 16 janvier 2014, il est minuit trente, lorsque Didier Ludot et son mari Pierre-Marie Chabrat, rentrent à leur domicile dans le IIème arrondissement de Paris par la rue du Mail, avec leurs deux chiens. Ils font le chemin «à pied tous les jours» et vivent dans l’arrondissement, tout près de là. «À ce moment-là, le chien du patron de la brasserie [ndlr, Chez Georges] sans laisse ni collier ni muselière a sauté sur un de mes deux chiens», raconte Didier Ludot aux policiers dans un premier procès verbal du commissariat du IIème arrondissement, daté du 16 janvier, que Yagg s’est procuré.

«SALE PÉDÉ, JE VAIS T’ENCULER À SEC»
«Chacun de nous a pris un chien dans ses bras. J’ai demandé à la personne qui promenait ce chien, à savoir une personne qui avait l’air d’être intime avec le patron, car il promenait son chien, de le récupérer. (…) Là, la chienne de la brasserie ressaute sur un des chiens. On reprend à nouveau les chiens dans les bras et on continue à avancer vers notre domicile. À ce moment-là, j’ai entendu la personne qui promenait le chien de la brasserie crier dans la rue «sales PD» à mon mari et moi-même, à plusieurs reprises. Il venait dans notre direction tout en continuant à nous insulter de « sale pédé ». Une fois devant nous il nous a dit «je vais t’enculer à sec».»

«J’ai alors répondu que ces propos étaient des propos racistes [ndlr, homophobes] et que j’allais déposer plainte au commissariat à côté. Il a alors envoyé un très violent coup de poing dans le visage de mon mari qui est tombé dans le caniveau directement».

Étendu sur le sol, Pierre-Marie Chabrat, incapable de bouger, confie ne plus se souvenir de la scène. «Je me rappelle toutefois que la personne qui m’a frappé est partie et que le patron du restaurant est arrivé», déclare-t-il dans un deuxième procès verbal daté du 21 janvier 2014. «Puis j’ai le souvenir que ma chienne reçoit un violent coup de pied au niveau du ventre et je la vois littéralement voler sur un mètre. Moi là je suis toujours au sol mais j’entends quand même des insultes dont je ne me rappelle plus de la teneur mais prononcées par une voix masculine». La victime poursuit:

«Là je prends vraiment conscience du danger, et je prends alors mon téléphone et je le te[nds] à Didier afin qu’il appelle la police. Mais je ne pouvais plus parler. La dernière chose que j’entends, c’est une femme [ndlr, identifiée comme Mme M. C., serveuse Chez Georges dans la plainte déposée par le couple pour non assistance à personne à danger le 21 février 2014] dire «il a rien, il fait du cinéma».

Les deux victimes se rendent ensuite au commissariat du IIème arrondissement, et Pierre-Marie Chabrat est transporté à l’hôpital de la Pitié Salpêtrières par les sapeurs-pompiers où il est immédiatement opéré. Le sexagénaire, touché à la mâchoire, présente «des contusions multiples au visage et une fracture grave de la mandibule inférieure», indique le certificat d’examen du 18 janvier. Il reçoit 45 à 50 jours d’Incapacité temporaire totale (ITT) selon le constat établi par les urgences médico-légales de l’Hôtel Dieu.

«INJUSTICE ET INCOMPRÉHENSION»
Une fois les plaintes déposées fin février contre X pour violences légères et aggravées, et contre M A. B. et Mme M. C. pour non assistance à personne en danger, l’enquête est prise en main par le commissariat du IIème arrondissement. «Le commissaire du IIème a pris l’agression très au sérieux, s’est investi et est allé très loin», affirme aujourd’hui à Yagg Pierre-Marie Chabrat. Les trois personnes mises en causes par les deux victimes sont identifiées après deux mois d’enquête, mais démentent la version du couple d’hommes, confie l’un des deux compagnons.

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Didier Ludot (à gauche) et Pierre-Marie Chabrat (à droite). Photo DR

Fin avril, ils apprennent du commissaire et de leur premier avocat Me Richard Levita, que l’affaire aurait été classée sans suite par une magistrate du parquet pour «manque de preuves». Le soir de l’agression, aucun témoin n’était présent. Stupeur de Pierre-Marie: «On a très mal réagi et je ne m’en sors pas. J’ai perdu ma mâchoire, je n’en suis qu’à 20% de récupération six mois après les faits, ma lèvre inférieure ne fonctionne pas et je me fais suivre psychologiquement» s’indigne la victime. «À 64 ans, je ne m’attendais pas à me faire frapper parce que je suis homosexuel». Il renchérit :

«On a l’impression de ne plus être un citoyen, il y a une injustice qui a été faite. J’ai l’impression de me sentir seul et isolé».

Las, Didier Ludot et Pierre-Marie Chabrat sont ensuite mis en relation avec Me Emmanuel Daoud, avocat pénaliste, chargé de mission à la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH). «L’enquête ayant abouti à un classement, on a pris la décision de porter à nouveau plainte.»

En ce qui concerne le classement de la première plainte, le nouvel avocat des victimes est dans l’incompréhension la plus totale. «C’est complètement dingue : quand on voit les conséquences, 45 jours d’ITT, ça reste incompréhensible». Il poursuit : «Ils sont venus me trouver désemparés, mais ils ne doivent pas baisser les bras».

«SUFFISAMMENT D’ÉLÉMENTS SÉRIEUX POUR ALLER DE L’AVANT»
Le 3 juillet, une nouvelle plainte a donc été déposée (et enregistrée) auprès du Procureur de la République du Tribunal de grande instance de Paris, par courrier recommandé, contre X, M. A. B., et Mme M. C. Les chefs d’infraction sont les suivants : «Violences volontaires ayant entraîné une ITT supérieure à huit jours, commises à raison de l’orientation sexuelle de la victime» selon les articles 222-11 et 222-12 du Code pénal ; «Violences volontaires n’ayant entraîné aucune ITT, commises à raison de l’orientation sexuelle de la victime» en vertu de l’article 222-13 du Code pénal ; et «Omission de porter secours» selon l’article 223-6.

«De mon point de vue d’avocat pénaliste, les éléments constitutifs sont assez avancés, l’infraction est caractérisée et le procès devrait avoir lieu», plaide Me Emmanuel Daoud. «Il y a suffisamment d’éléments sérieux pour aller de l’avant» conclut-il.

Pour Yohann Roszéwitch, président de SOS homophobie qui a rencontré les victimes la semaine dernière, «le classement de l’affaire paraît incroyable». «On a évoqué quelques pistes pour réouvrir la procédure» confie-t-il. Une lettre doit par exemple être prochainement envoyée à la mairie du IIème arrondissement et au Procureur, pour marquer le soutien de l’association. Mais rien n’est encore formellement décidé.
Contacté par Yagg, le patron de la brasserie Chez Georges visé par la plainte des époux Ludot et Chabrat n’était pas encore en mesure de nous répondre.

Illustration Fabien Guenot

Publié par Florian Bardou

Source : http://yagg.com/2014/07/17/exclusif-victime-dune-violente-agression-a-paris-un-couple-gay-porte-plainte/
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