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À Pizza Hut, la solidarité avec les victimes d’homophobie ne paie pas

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À Pizza Hut, la solidarité avec les victimes d’homophobie ne paie pas  Empty À Pizza Hut, la solidarité avec les victimes d’homophobie ne paie pas

Message par SweetAngel Ven 28 Nov 2014 - 15:04

Après avoir soutenu un employé victime d'homophobie, un salarié est aujourd'hui en difficulté dans le même magasin Pizza Hut.

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L’affaire de harcèlement homophobe dans un magasin Pizza Hut de Créteil, dans le Val de Marne, connait aujourd’hui de nouveaux rebondissements. Petit rappel des faits: en mars 2014, Lucas*, un employé d’un magasin Pizza Hut à Créteil, dénonçait le comportement d’une manageuse qui le harcelait et multipliait les attaques verbales homophobes depuis plusieurs mois. La direction de l’entreprise avait communiqué pour assurer que le jeune homme s’était rétracté, ce qu’il avait par la suite contesté auprès de Yagg, affirmant qu’il avait subi des pressions de la part de la direction pour nier avoir reçu des insultes de la part de sa supérieure et que sa lettre d’excuses lui avait été dictée par la directrice des ressources humaines de Pizza Hut France.

«IL M’A DIT: SI JE LE VOIS, JE LE TUE»
À l’époque, Fahd, un autre employé de ce magasin de Créteil, avait aidé Lucas: «Je l’ai beaucoup soutenu, j’essayais de lui changer les idées, a-t-il assuré à Yagg. C’est pendant que j’étais en congé qu’ils lui ont fait signé la lettre dans laquelle il niait avoir subi du harcèlement.» Avec la manageuse du point de vente, celle qui aurait harcelé Lucas, Fahd affirme qu’il a toujours gardé des rapports polis et respectueux: «Comme avec tout le monde sur mon lieu de travail». Pourtant Fahd a contacté Yagg car il affirme avoir été agressé sur son lieu de travail le 20 septembre et c’est justement son amitié avec Lucas qui aurait déclenché les événements: «Ce soir-là, peu avant minuit, il y avait une très bonne ambiance au magasin, on avait fait un bon chiffre d’affaires, se remémore-t-il. Lucas habite à côté, il passait souvent dire bonjour. Je l’ai vu passer ce soir-là, mais j’ai continué à faire mon travail. Mais il est tombé nez à nez avec la manageuse. C’est là qu’elle m’a dit que j’étais “un faux-cul” et m’a demandé pourquoi je l’avais appelé pour qu’il passe. Je lui répondu que je n’avais jamais téléphoné à Lucas pour lui dire de venir ici.»

«Plus tard, son compagnon est arrivé devant le magasin dans un fourgon blanc avec un autre homme. Je faisais mon ménage et il a couru vers moi et m’a bousculé. Un employé s’est interposé. J’ai évité les coups, mais il m’a insulté, m’a traité de pédé, m’a dit qu’il allait nous mettre une balle dans la tête à Lucas et à moi, qu’il allait nous rendre paraplégique. Il m’a dit “Si je vois Lucas, je le tue”.»

Selon Fahd, la manageuse a assisté à la scène, sans broncher: «Je lui ai crié “Retiens-le”, mais elle n’a pas bougé.» Fahd a réussi à partir sans encombres en passant par l’arrière du magasin. Le lendemain, il a déposé une main courante. Ne supportant plus la pression, il a été mis en arrêt de travail.

Pour Fahd, la direction essaie de «camoufler» cet incident de la même façon qu’elle a camouflé le harcèlement dont était victime Lucas. Le 2 octobre, il a reçu une lettre qui l’informait de la décision de la direction des ressources humaines de mettre en œuvre la clause de mobilité contenue dans son contrat de travail. Il est donc muté au magasin Pizza Hut de Vincennes à partir du 17 octobre. Pour Fahd, une mutation aussi loin de son domicile, alors qu’il a une famille et que ses horaires sont dispersés dans la journée est inacceptable. Le 7 octobre, il reçoit une convocation de la part des relations humaines pour deux jours plus tard. Dès le début de l’entretien, auquel est notamment présente la directrice des ressources humaines de Pizza Hut France, Fahd sent qu’on lui «met la pression»: «On ne me parlait pas correctement, et j’avais l’impression que c’était justement pour me pousser à m’énerver et donc à faire une erreur. J’ai gardé mon calme. La veille, j’avais appelé SOS Suicide, et on m’a dit qu’il fallait que je garde mon calme et que je ne rentre pas dans le conflit.»

DES CONDITIONS DE TRAVAIL ALARMANTES
Alors qu’il est toujours actuellement en arrêt de travail, Fahd souhaite avant tout que son histoire soit entendue: «Je veux juste des excuses. Lucas est complètement abattu depuis toute cette histoire et je suis dans le même état que lui. Tout ce qui se passe, ça donne l’impression qu’ils sont au-dessus de nous.» Fahd sait que plusieurs nouveaux sont arrivés au Pizza Hut de Créteil, des jeunes «prêts à travailler», tout comme lui, et parfois prêts à se taire face à certains agissements de l’entreprise: «Je n’ai jamais eu de contrat de travail, explique-t-il. Une fois, on m’a même payé en glaces mes heures supplémentaires. Certains soirs, on nous a dit de rentrer chez nous, parce qu’il n’y avait pas beaucoup de monde. On nous fait danser, c’est toujours eux qui décident. Je n’ai jamais vu ça, j’ai travaillé à Carrefour, à Picard, même à Orly, je n’ai jamais vu ça.» En dépression, Fahd traîne un profond sentiment de culpabilité:

«J’ai du mal à en parler à ma famille, je n’ai pas envie qu’on me pose des questions, alors je les évite. Mon père essaie de comprendre et de m’aider, mais ça me donne l’impression d’être un enfant. J’ai honte. Je ne suis pas prêt à reprendre le travail.»

UNE MUTATION COMME PUNITION
Adil Lemghari est délégué syndical et a succédé à Hichem Aktouche qui avait aidé Lucas en début d’année. Il travaille dans le même magasin que Fahd mais n’était pas présent le soir de l’agression: «Au départ ses collègues l’ont soutenu, et ont donné une version qui concordait avec la sienne, ce qui a confirmé ses dires, explique-t-il à Yagg. C’est seulement ensuite que le siège a commencé à faire pression sur eux pour faire oublier l’affaire.» Mais comment se fait-il qu’une employée déjà impliquée dans une affaire de harcèlement ne soit pas inquiétée outre mesure, tandis que les victimes présumées se voient soumises à des mutations? Pourquoi muter un salarié victime d’une agression loin de son domicile, pour ensuite embaucher de nouveaux employés à sa place? «Cette manageuse est une salariée protégée, explique Adil Lemghari. C’est difficile de renvoyer une personne comme elle, tandis que le personnel comme Fahd est facile à virer.» Des agissements que dénonçait déjà Hichem Aktouche, qui affirmait en février dernier que la direction cherche «toujours à prendre la défense du manager». Adil Lemghari a plusieurs fois rencontré la direction de l’entreprise mais d’après lui, elle ne veut rien entendre: «Si Fahd est muté, on ira faire des grèves à Vincennes. Cette clause de mobilité dans le contrat des employés comme Fahd, le siège en profite. Quand j’ai commencé à Pizza Hut, on m’a changé cinq fois de magasins. Ces clauses sont utilisées comme des sanctions. Ce qui m’énerve, c’est que Fahd est un très bon salarié.»

POUR PIZZA HUT, L’AFFAIRE EST CLASSÉE
Selon Adil Lemghari, la manageuse impliquée dans l’agression de Fahd et qui était selon Lucas à l’origine d’insultes et de remarques homophobes a depuis été mutée à Villejuif. Contactée à plusieurs reprises, l’entreprise Pizza Hut France a finalement déclaré ne pas vouloir commenter l’affaire et assure que le dossier est clos. Lucas a quant à lui affirmé à Yagg que sa plainte pour abus de faiblesse a été classée sans suite. Pour Jean-Bernard Geoffroy, avocat et président du Réseau d’assistance aux victimes d’agressions et de discriminations (Ravad), il existe plusieurs stratégies judiciaires pour les victimes de discrimination en raison de leur orientation sexuelle sur le lieu de travail: «Il s’agit de choisir la plus pertinente. La victime peut porter plainte auprès du Procureur de la République, mais alors il y aura lieu de démontrer la preuve de l’intention discriminante de l’auteur, ce qui peut s’avérer très difficile. L’autre solution est de saisir le Conseil des Prud’hommes au regard du principe d’aménagement de la charge de la preuve. Le/la salarié.e victime d’agissements discriminatoires devra apporter des éléments de faits à l’encontre de l’employeur qui, alors, sera dans l’obligation de démontrer que la décision prise à l’encontre de celui-ci est motivée pour une autre raison que l’orientation sexuelle. Enfin, la ou le salarié.e peut aussi se tourner vers le Défenseur des Droits.»

*Le prénom a été changé.

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Publié par Maëlle Le Corre

Source : http://yagg.com/2014/11/26/a-pizza-hut-la-solidarite-avec-les-victimes-dhomophobie-ne-paie-pas/
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