Planningtorock, une artiste queer indéfinissable
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Planningtorock, une artiste queer indéfinissable
Sa musique est inclassable, son genre sciemment méconnaissable. TÊTUE a rencontré cette chanteuse précieuse, qui sera en concert à Paris samedi.
Créature mythique et androgyne... Qui est Planningtorock? Écouter son nouvel album, W, paru en mai dernier, laisse perplexe. Une voix malaxée à l'extrême, aussi dégenrée que l'artiste cherche à l'être sur son clip Doorway, avec une étrange prothèse de nez. Derrière ces nappes de sons flamboyantes, entre IDM et electro baroque, opera rock et indie pop, on trouve Janine Rostron. Anglaise exilée à Berlin en 2002, il s'avère qu'elle est loin d'être cachottière. TÊTUE l'a rencontrée avant qu'elle ne joue avec le reste du crew du label DFA, qui fête samedi soir ses dix ans au 104, à Paris.
TÊTUE: Depuis votre dernier album, Have it all (2006), vous avez développé votre son, vous êtes allée très loin dans l'expérimentation...
Janine Rostron: Oui, c'était un long procédé, j'ai essayé plein de choses, enregistré des instruments, des sons... J'écris des chansons depuis que j'ai seize ans, donc ce n'est plus difficile, là, je voulais travailler sur la production. Ce n'est pas la seule chose que j'ai faite pendant presque cinq ans. J'ai écrit un opéra avec The Knife, et c'était beaucoup de travail. J'ai aussi écrit la musique d'une pièce de théâtre de Bruce LaBruce.
Si je vous demandais de décrire votre musique, j'ai l'impression que vous ne le pourriez pas, que vous voulez vous surprendre vous-même...
Totalement. J'ai des amis musiciens qui s'entourent d'albums qu'ils aiment lorsqu'ils enregistrent, ça les inspire. Moi généralement, je suis plutôt influencée par des instruments et des sons, comme les cordes. Depuis que je suis petite, ça m'inspire.
Quand j'écoute vos chansons, j'ai l'impression qu'il est 6h du matin, que je n'ai pas dormi de la nuit, un délire sombre et introspectif en somme. Vous composez à l'aube?
Oui! C'est vrai que quand je travaille, c'est toute la nuit, jusqu'au petit matin. C'est intéressant que vous disiez que ça vous fait réfléchir sur vous-même, parce que cet album n'est pas léger. Il se passait beaucoup de choses dans ma vie personnelle à ce moment là et ça se ressent. Je ne parle pas seulement de moments négatifs, mais en tout cas, l'album parle de tous ces trucs intimes. Faire de la musique m'apprend beaucoup de choses sur moi-même, c'est ma plus grosse éducation.
Quelle est votre chanson préférée sur cet album?
Ça a changé, au début, c'était Doorway. Maintenant, je suis partagée entre The Breaks, qui est une chanson mélancolique et euphorique et The One, qui est la première chanson d'amour que j'ai écrite. J'étais presque trop intimidée pour la sortir.
Et I'm your man?
C'est une chanson pour un ami à moi. Je suis «son mec, son pote». Ça me fait aussi penser à la chanson I'm waiting for the man du Velvet Underground, c'est une référence à la personne dont tu as besoin, qui va régler tes problèmes, les paroles ne sont pas forcément genrées. Dans le deuxième vers, c'est un peu plus sexuel, plus à destination d'une femme, «I want you to let your hair down, I'll pour you a cup of tea, and I'll lick you clean», «je veux que tu lâches tes cheveux, je te servirai du thé et je te lècherai jusqu'à ce que tu sois propre». C'est plutôt grossier en fait!
Pourquoi avoir voulu déformer votre voix au point que l'on ne sache plus si elle appartient à un homme ou à une femme?
Je ne suis pas vraiment attachée à ma voix, je la perçois comme un instrument à part entière, un moyen comme un autre de véhiculer de l'émotion. Je voulais intensifier mes chansons. Quand j'ai mixé le chant, quelque chose s'est rajouté, ça m'a submergé. C'était même presque trop. J'ai beaucoup aimé. Quand mes amis ont entendu Janine, la reprise de la chanson d'Arthur Russell, ils m'ont dit que ça ressemblait à la voix d'un superbe trans. Ça m'a fait plaisir. C'est intéressant de se repositionner, on comprend plus de choses. Et puis c'est toujours moi au final, c'est ma voix, c'est moi qui la retravaille donc le résultat est toujours très personnel.
Vous avez une passion pour les masques. Avant vous en aviez un sur scène, maintenant vous portez souvent cette prothèse de nez... Les masques révèlent plus qu'ils ne cachent selon vous?
Les gens se trompent sur ce qu'est être soi. On change tout le temps, on est constitué de multiples couches, il y a plein de «moi» différents. En portant ce nez, je voulais jouer avec mon genre, rendre visuel ce que j'avais accompli par ma musique. M'interroger: à quel genre j'appartiens? Sans parler d'homme ou de femme, mais de quelque chose d'autre. C'est aussi comme ça que je me vois sexuellement. La sexualité des femmes est trop enfermée dans des clichés, alors qu'autre chose existe. Je ne me sens pas liée à cette passivité que l'on représente souvent.
Qu'est ce qui vous pousse à interroger votre genre?
La manière dont la société perçoit le genre est tellement ennuyeuse et limitée. Je ne me sens pas représentée, surtout en tant que femme. Même dans beaucoup de communautés homos, la représentation des genres et de l'homosexualité est très cliché, il y a les dyke, les butch...
Dans le monde de la musique, si tu es sûre de toi, en contrôle, comme un mec pourrait l'être, tu n'as pas l'air professionnelle, tu as l'air d'une connasse. Au début, j'étais en colère, maintenant je trouve ça ennuyeux. Surtout qu'il se passe tellement de choses musicalement en ce moment: il y a plein de super musiciennes et de supers productrices, comme Creep, Grimes, Laurel Halo ou rRoxymore par exemple. Ce ne sont pas forcément des chanteuses, mais des productrices, c'est la grosse différence. Traditionnellement, on ne pense qu'aux chanteuses, avec des hommes derrière qui s'occupent de la production. Imaginer une femme qui passe des années dans un studio à construire son propre son, ce n'est pas dans la psyché collective. Le monde intérieur des femmes n'intéresse pas la société, qui ne voit que la façade.
Vous êtes diplômée des Beaux-arts et on perçoit bien à quel point l'art visuel est important pour vous...
Ce sont les films qui m'ont amenée à la musique! J'en ai vu plein quand j'étais jeune, et le mariage entre la musique et l'image est la chose la plus puissante au monde.
Regardez les clips de Doorway et The Breaks:
Photos: DR.
Par Elsa Bastien vendredi 18 novembre 2011
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