Barbara Hammer: «Etre lesbienne en 1970 était un mode de vie expérimental!»
Barbara Hammer: «Etre lesbienne en 1970 était un mode de vie expérimental!»
La cinéaste américaine Barbara Hammer se démarque par son art, le cinéma expérimental, et par sa personnalité: activiste lesbienne et féministe assumée. Une rétrospective -à ne pas manquer!- couvre ses 40 ans de carrière.
«Dans mes films qui montrent des lesbiennes, j'aime mettre en avant des femmes engagées, ce que les femmes cachent (comme les rides pour les femmes âgées), la douceur de deux peaux l'une contre l'autre, la sexualité et l'orgasme féminin.» Montrer l'invisible, Barbara Hammer en a toujours fait son combat. A travers ses plus de 80 films (courts et longs métrages, documentaires, œuvres autobiographiques...) composés de collages, montages, de prises courtes, elle veut «réveiller le public, le faire réfléchir». Une très belle rétrospective lui est dédiée à partir d'aujourd'hui, et jusqu'au 1er juillet, au Jeu de Paume à Paris.
Sa meilleure arme: l'humour
A 73 ans, celle qui a été l’une des premières réalisatrices à s’être affirmée en tant qu’activiste lesbienne et féministe n'en démord toujours pas. La culture lesbienne et queer mérite d'être sur le devant de la scène. Sa meilleure arme: l'humour. Dans Superdyke (1975), une bande de femmes portant des tee-shirts «Superdyke» («supergouine») défilent dans San Francisco et prennent possession de l'hôtel de ville, du musée de l'érotisme, des terrains de sport... «C'est un film très accessible, drôle, qui a des airs de parodie, de jeu. Mais ce type de jeu peut mener à une révolution. De même que le mouvement Occupy a occupé Wall Street, les lesbiennes doivent occuper les institutions de la culture occidentale.»
Cette soif d'affirmation et de liberté éclate chez elle à 30 ans, alors qu'elle est mariée et femme au foyer. «Une partie de moi restait sous silence.» Lorsqu'elle commence à prendre des cours de cinéma à San Francisco, elle tombe très rapidement amoureuse d'une femme. «Mon intérêt pour le cinéma et mon attirance pour les femmes se sont révélés en même temps. C'est pourquoi mes films des années 1970 parlent des lesbiennes et de sujets tabous comme les menstruations (Menses, 1974), les relations charnelles entre femmes (Dyketactics, 1974) ou l'orgasme féminin.»
Restituer l'histoire queer et lesbienne
Pour aborder ces sujets tabous, le cinéma expérimental s'est présenté comme une évidence: «Etre lesbienne en 1970 était en soi un mode de vie expérimental!» Pour vivre sa propre vie, et pas celle enseignée par ses parents, elle a besoin d'un mode d'expression expérimental. «Je ne voulais pas faire du cinéma traditionnel en remplaçant tout simplement les personnages hétérosexuels par des personnages homosexuels...»
Barbara Hammer va encore plus loin dans son engagement politique lorsqu'elle commence dans les années 1990 un travail d'archivage de la mémoire de la culture queer. Face à la vision stéréotypée, voire effrayante des lesbiennes dans certains livres ou films, elle ressent le besoin de restituer l'histoire queer et lesbienne. «J'ai réalisé qu'il n'y avait pas d'histoire des lesbiennes, à part celle créée par les hommes.» Sa «Trilogie de l'histoire invisible» sera composée de Nitrate Kisses (1992), Tender Fictions (1995) et History Lessons (2000), avec des montages et détournements de films éducatifs expliquant pourquoi il ne faut pas être lesbienne, de films porno lesbiens réalisés par des hommes, de films médicaux affirmant que les lesbiennes ont un vagin plus grand...
Contre l'occupation en Palestine
Son combat pour la visibilité ne s'arrête pas à la culture queer. Il s'applique à tous les domaines qui lui tiennent à cœur. Elle part en quête de son identité en Ukraine, plonge avec des femmes vendeuses de coquillages en Corée du Sud et rend hommage au cheval, qui a accompagné sa renaissance après son cancer en 2008... Son dernier projet en date: «Je suis allée en Palestine en janvier 2012 pour le premier "LGBTQ Solidarity Tour" J'y ai rencontré de nombreuses personnes qui souffrent de l'occupation et je veux parler d'elles».
Pour Barbara Hammer, la lutte pour la liberté ne fait que commencer. «Il y a tant à faire. Je souhaiterais que les lecteurs et lectrices de TÊTUE.com prennent leur caméra, écrivent un poème ou un roman, réalisent une performance artistique ou toute autre création pour se rendre plus visibles. Pour que ces différences qui existent dans le monde occidental soient montrées. Et pour que la culture lesbienne et queer ne soit pas à part, mais fasse partie intégrante de la culture globale.»
Rétrospective «Les visions risquées de Barbara Hammer, cinéaste expérimentale américaine»
du 12 juin au 1er juillet 2012 à l'auditorium du Jeu de Paume, 1 place de la Concorde, Paris 8e.
Barbara Hammer sera présente à la plupart des projections la première semaine, avec notamment une performance artistique le dimanche 17 juin à 19h. Voir le programme complet ici.
Le livre autobiographique de Barbara Hammer, Hammer! Making movies out of sex and life (en anglais) sera en vente au Jeu de Paume.
Photos: Barbara Hammer. Photo Adrien Chevrot Jeu de Paume
Tender Fictions de Barbara Hammer, 1995
The Female Closet de Barbara Hammer, 1997
Par Béatrice Catanese mardi 12 juin 2012
Source : http://www.tetu.com
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