Mariage pour tous: l'opposition cherche la petite bête

EN DIRECT. Après une semaine de débat, les députés examinent les amendements relatifs à l'article 4. La droite titille, la gauche est lasse.



L'opposition compte bien jouer toutes ses cartes. Alors que la séance de questions au gouvernement laissait croire à un retour du débat sur la procréation médicalement assistée, la séance de l'après-midi a vu la naissance d'un nouvel argument de l'opposition, ainsi qu'une réclamation qui pourrait mettre la majorité mal à l'aise.

Amendement-balai
Dès son arrivée en séance, Hervé Mariton était en forme. Et bientôt, la majorité allait en découvrir la raison. «En tant que maire de Crest, je me suis intéressé à la mise en pratique du projet de loi.» Alors qu'on examine aujourd'hui dans l'hémicycle les amendements relatifs à l'article 4 du projet de loi ouvrant le mariage et l'adoption aux couples de même sexe, le député de la Drôme a mis le doigt sur un article du code civil que l'amendement-balai proposé par le rapporteur ne prend pas en compte.
Proposé et voté lors de la Commission des lois, cet amendement vise à empêcher la disparition des termes «père» et «mère» dans code civil, en stipulant qu'ils peuvent s'appliquer aux couples de même sexe dans différents articles où les termes occurrent dans le code civil.

Mauvaise foi
Pourtant, Hervé Mariton note que l'amendement-balai ne s'applique pas à un article essentiel du code civil sur l'autorité parentale, qui doit être lu aux futurs parents par les officiers d'état civil. «En tant que maire, je ne peux pas dire à deux hommes ou deux femmes que le père et la mère sont les garants de l'autorité parentale», se justifie l'orateur de la droite.



Cette nouvelle trouvaille du «troll» de l'Assemblée donne à l'opposition l'opportunité de mettre la gauche quelque peu mal à l'aise. Arguant que les officiers d'état civil ne peuvent pas lire cet article à un couple de même sexe, ils n'hésitent pas à friser avec la mauvaise foi: «Celui ou celle qui marie est pris, au moment du mariage, d'une émotion telle qu'il ne peut que lire fidèlement ce qu'il a sous les yeux» déclare un député de l'opposition. Un argument innovant qui trouble la majorité fatiguée après une semaine intensive de débats.

La majorité mise à mal
«M. Mariton, vous avez bien dû lire cet article du code civil à des couples qui avaient des grands dadais de 21 ans à-côté d'eux!» se défend un élu socialiste avant que le rapporteur du projet de loi prenne la parole pour défendre son texte. «Père et mère sont des termes génériques qui quand ils sont lus, peuvent très bien être entendus au pluriel.» Une réponse qui ne saurait satisfaire la majorité qui rit, comme souvent quand le rapporteur du projet de loi intervient.
La garde des Sceaux, Christiane Taubira, s'interroge elle sur la validité de ce questionnement. «Votre logique, c'est de rendre inapplicable l'article 1 du projet de loi (qui ouvre le mariage et l'adoption aux couples de même sexe, NDLR). C'est un amendement interprétatif, qui appelle les officiers d'état civil à s'adapter sur des mots aussi courants. Arrêtez de nous faire croire que la loi est mal écrite, les français savent qu'il n'y a pas d'oubli.»

«On attend l'avis du Conseil d'Etat»
L'opposition a toutefois plus d'un tour dans son sac. «Une rumeur court dans Paris que l'avis du Conseil d'Etat comporterait des réserves. Nous voulons que cet avis soit publié» lance Marc Le Fur. S'il avait donné son avis sur le projet de loi du gouvernement, le Conseil d'Etat semble, selon une source parlementaire, avoir été saisi sur le texte rendu par la commission des lois qui est examiné aujourd'hui dans l'hémicycle.
Dans ce cas, le texte fait l'objet d'une note, et non d'un avis, qui ne peut-être rendu public que par le Premier ministre. Mais pour avoir sa réponse, la droite n'a pas attendu la réponse du gouvernement. Coup de théâtre à l'Assemblée, le président du groupe UMP Christian Jacob cite plusieurs séquences des réserves du Conseil d'Etat: «Heureusement que l'on trouve des personnes mieux disposées que vous à fournir des informations!»
La garde des Sceaux lui rétorque que, dans le souci d'en exprimer les réticences, le chef de l'opposition a omis de rappeler que le Conseil s'était déclaré favorable au projet de loi. Mais cela ne calme pas la droite: «Pourquoi la majorité aurait-elle des éléments supplémentaires que l'opposition n'a pas?» s'interroge Hervé Mariton. Pour Marc Le Fur, c'est «un déni de démocratie», il termine: «Je propose que nous levions la séance jusqu'à ce que le secret soit levé par le Premier ministre sur l'avis du conseil d'Etat!»

Les autres moments à retenir:
Incident vestimentaire.
Depuis quelques jours sur les réseaux sociaux, le Coloriton, lancé par @ff_ff, référence les couleurs des pulls et cardigans d'Hervé Mariton. Un député PS a du voir passer le graphique humoristique, puisqu'il interpelle le député en lui disant «A la fin de la semaine, nous aurons eu toutes les couleurs de l'arc-en-ciel». Ceci fait l'objet de plusieurs rappels au règlement et à la huée de la gauche par l'opposition, mais l'intéressé s'en amuse en salle des 4 colonnes: « Je change de pull-over tous les jours. J'en ai d'autres, et j'envisage même de lancer une ligne!»



Les «enfants-Playmobil» de Jacques-Alain Bénisti, les «cris de détresse de ces enfants élevés sans père ou sans mère» d'Annie Genevard, et bien d'autres, se retrouvent dans le «best of réac» publié par le groupe des députés PS. Une compilation «des amalgames honteux et des caricatures indignes» de députés de droite.

En début de séance du soir, Hervé Mariton cite Dalida «Si la France se mariait avec elle-même, Si un jour elle se disait enfin je t'aime, Elle inventerait la ronde qui épouserait le monde, Si la France s'embrassait un jour qui sait Pour la rose et le lilas en harmonie, La main gauche et la main droite enfin unies, Le bleuet près du muguet ce bouquet est jeune et gai, Qui marie toutes les couleurs en quelques fleurs.»

Un article du Figaro publié ce soir évoque l'absence de la PMA dans le document de travail du projet de loi famille. L'opposition demande des comptes sur les intentions claires du gouvernement à ce sujet. L'absence de la PMA pourrait-elle les faire changer d'avis?

Le député UMP Pierre Lellouche, dans un injonction à Christiane Taubira, lui lance: «Les français en ont marre de voir ta tête, j'en ai marre de voir ta tête!» Le président de séance, Christophe Sirugue, qui remplace Claude Bartolone ce soir, l'a rappelé à l'ordre. Interrompant Christiane Taubira, il a rappelé le député UMP à l'ordre, en le nommant et et en nommant la faute, comme le règlement le stipule. C'est le premier pallier de rappel à l'ordre pour les députés, et le seul qui n'induit pas de sanction directe. Les autres rappels peuvent entrainer la privation du quart de l'indemnité parlementaire, jusqu'à l'interdiction de siéger pendant 30 jours.

Christophe Sirugue remarque que plusieurs députés, des deux côtés de l'hémicycle, appuient sur les boutons de leur collègues absents. Christian Jacob dépose une réclamation. Le président assure qu'« à vue d'oeil, le vote n'est pas remis en cause.»

Par Antoine Patinet mardi 05 février 2013

Source : http://www.tetu.com