Alice Coffin et Alix Béranger, couple féministe et activiste
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Alice Coffin et Alix Béranger, couple féministe et activiste
Nouveau sur Yagg! Découvrez régulièrement les portraits de celles et ceux qui font bouger la communauté LGBT. On commence avec Alice Coffin et Alix Béranger, activistes au sein de La Barbe et du collectif Oui Oui Oui.
Il y a des rencontres inévitables. Ce 14 octobre 2010, Alice Coffin (à gauche sur la photo) vient participer à sa première action de La Barbe, le groupe d'action féministe. Elle a 15 minutes de retard. Alix Béranger, qui a participé à la création du groupe deux ans plus tôt, mène la réunion de préparation d'une action contre la conférence des présidents d'université. L'ambiance d'une telle réunion étant très sérieuse, le coup de foudre n'est pas immédiat. «On s'est revues après, raconte Alix Béranger. Un mois plus tard, nous avons "co-cheffé" une action ensemble. Ça nous a rapprochées.»
Trois ans plus tard, le rapprochement s'est poursuivi: les deux femmes forment un couple et sont de tous les combats féministes et LGBT. Toutes deux appartiennent à La Barbe et au collectif LGBT Oui Oui Oui, né pendant les débats autour du mariage pour tous. Militante tout-terrain, Alice Coffin, journaliste au quotidien 20 minutes, est également syndicaliste, membre des Dégommeuses et de l'AJL, l'association des journalistes LGBT, en cours de création. Après être passée par Sidaction, Alix est, elle, chargée de mission Santé.
Inévitable disions-nous, parce que lorsqu'on leur demande de se définir, le mot «féministe» s'impose très vite pour chacune d'elles. C'est cela qui leur a permis de se rencontrer et c'est cela, qui de leur propre aveu continue à les réunir. D'autres mots reviennent aussi dans leur bouche: «responsable», «militante» ou «lesbienne». Encore que pour ce dernier, il correspond plus à un positionnement politique qu'à une réalité pour Alix Béranger, qui dit avoir eu aussi bien des relations avec des hommes qu'avec des femmes.
Mais revenons au féminisme. Pour Alix, plus qu'un combat, c'est «un filtre de lecture du monde, mais aussi du ressenti». Et un ressenti qui a commencé très tôt pour elle. «Gamine, j'étais toujours à demander pourquoi les garçons faisaient ceci et les filles plutôt cela. J'étais toujours surprise par la pauvreté des arguments et le fait que les autres ne faisaient rien pour changer les choses.» Alors, c'est elle qui s'y est collée…
ACTIVISME
Veronica Noseda, militante à la Barbe et membre des Dégommeuses, connaît bien Alice et Alix:Effectivement, leur truc à elles, c'est l'action. «Je suis allée à une réunion du Parti socialiste, se souvient Alice Coffin. Je m'y suis faite ch***. Avec La Barbe et Oui Oui Oui, tu ne t'ennuies pas. En général, tu te retrouves avec des gens prodigieusement intelligents avec qui tu vas discuter pendant deux heures de la bonne taille d'une banderole. Et quand tu fais ça, ça t'aide à surmonter ta colère.» Cela n'empêche pas Alix, en revanche, d'être encartée chez Europe Écologie Les Verts, parti il est vrai moins institutionnalisé que le PS…«Ce sont deux militantes extraordinaires. Ce qui les unit je crois, c'est cette confiance dans l'activisme, dans le militantisme par l'action. Elles abattent un boulot considérable. Et ça s'est renforcé depuis qu'elles se sont rencontrées.»
Pour elles, «c'est du côté féministe et LGBT qu'ont été inventées les plus belles formes de militantismes», même si elles confient leur respect pour une organisation comme Greenpeace. La Barbe, qui leur a permis de se rencontrer, est en une bonne illustration. Le groupe a été créé en 2008 à partir d'une idée de Marie de Cénival et Harriet Hirshorn, s'inspirant des Guerilla Girls et des Lesbian Avengers. Il s'agissait de «sortir de la victimisation des femmes, ne plus être présentées comme des chiffres, explique Alix Béranger. Nous voulions aller voir ce que font les hommes entre eux, comment ils organisent leur domination». Ce n'est donc pas un hasard si Alix a rejoint tout de suite La Barbe, en y faisant ce en quoi elle excelle si l'on en croit sa compagne: «mettre une idée ou un concept en pratique».
MARIAGE POUR TOUS
Autre aventure militante marquante, celle du collectif Oui Oui Oui, né le 16 novembre 2012, jour de la première «Manif pour tous». Alors que Virginie Merle-Tellenne, Xavier Bongibault et consorts font déferler pour la première fois leurs troupes dans les rues de Paris, plusieurs militant.e.s se retrouvent sur le passage du cortège, rue de Rennes. Avec un même constat: le «sentiment que l'homophobie explose» et le fait «qu'on n'entend personne pour nous défendre, pas de politiques, pas d'intellectuels», explique Alice Coffin, pour qui il y avait alors un problème supplémentaire:Le collectif, c'était aussi un moyen pour tou.te.s celles et ceux qui l'ont rejoint d'affronter la tempête en groupe. «Ça fait moins mal d'être ensemble», dit doucement Alice Coffin.«Les militants LGBT qui prenaient la parole n'étaient que des mecs. Cela a sans doute joué un rôle dans le fait que la PMA soit passée aux oubliettes.»
Patrick Comoy les a connues grâce à Oui Oui Oui, dont il fait également partie. Il ne tarit pas d'éloges sur le couple:Lors des débats autour du mariage pour tous, Oui Oui Oui n'a eu de cesse de jouer la mouche du coche, pour répondre aux homophobes bien sûr, mais aussi pour secouer la gauche et les associations LGBT «traditionnelles», qui en ont parfois été irritées.«Elles sont agréables, toniques, marrantes. C'est un vrai plaisir de faire des choses avec elles. Dans ce genre d'aventure il y a besoin de personnalités entraînantes, de leadership et elles le font sans pour autant se prendre trop au sérieux. D'autant qu'elles ne sont pas là pour se mettre en avant, elles sont très respectueuses du fait que le groupe est très démocratique. Elles sont toujours très attentives à donner de la parole aux autres.»
DÉSILLUSION
Un an, de nombreuses manifs et nombreux picketings plus tard, l'heure est à une certaine désillusion. Le mariage pour tous a été adopté, certes, mais la PMA semble avoir été abandonnée en rase campagne et les droits des trans' se font attendre.
«Aujourd'hui, nous sommes un peu amères, confie Alix Béranger. Quand Sarkozy était au pouvoir, au moins les choses étaient claires. Il n'y avait pas tromperie sur la marchandise. Aujourd'hui, c'est douloureux pour les militant.e.s de cause "noble". On a un gouvernement avec lequel au départ on est d'accord et je n'ai jamais autant manifesté. Ils nous renvoient l'image qu'on est "pénibles". On nous a déjà donné le mariage et l'adoption, ça devrait nous suffire.»
Ces quelques années d'activisme ont en tout cas nourri leur réflexion sur le statut des militant.e.s en France. Toutes les deux aimeraient en effet s'investir encore davantage, mais sont conscientes que cela pourrait mettre leur vie personnelle ou professionnelle en danger. «Je ne comprends pas qu'il n'y ait pas de statut privilégié ou protégé pour les activistes et les militant.e.s, lance Alice Coffin. C'est très bien par exemple que les artistes puissent bénéficier de subventions, de résidences, etc. mais il y a aussi d'autres gens qui réfléchissent, qui sont dans une forme de création.» Alix Béranger déplore de son côté «le manque de puissance» des féministes et des LGBT. Et s'interroge: «quelle est la marge de manœuvre des militant.e.s LGBT maintenant que les anti ont repris tous nos codes et nos modes d'action?»
PROJET D'ENFANT
À 35 ans toutes les deux, elles veulent avoir un enfant. Mais là aussi pas question de mettre en parenthèse leurs convictions. «Il est hors de question que je mette un pied en dehors de la France pour aller faire une PMA», martèle Alice Coffin: «Ce serait une défaite, un échec absolu». Au passage, Alice souligne le manque de mobilisation des lesbiennes sur le sujet: «J'en ai gros sur la patate avec les lesbiennes qui ont eu des enfants depuis 20 ans. Pourquoi ne se révoltent-elles pas? Quand je pose la question à certaines d'entre elles, elles me répondent "ça se passe bien".»
«C'est le poids du militantisme dans le quotidien, complète Alix Béranger. Nous connaissons le parcours et les réseaux. Si nous le voulions, nous pourrions avoir un enfant dans un an. Mais là, nous ne savons pas quand et si nous pourrons en avoir un. Nous sommes condamnées à faire le tour des gynécos pour en trouver un qui accepte de faire une insémination à son cabinet, ou chez nous. Comme au temps de l'avortement…» Quoi qu'il advienne, les prénoms sont déjà choisis. Si c'est une fille, elle s'appellera Olympe, pour Olympe de Gouges. Si c'est un garçon, Seyrig, en hommage à la comédienne féministe Delphine Seyrig. Elles pensaient d'ailleurs ce dernier prénom totalement original. Las, un collègue de bureau d'Alice a entendu une mère interpeller son petit Seyrig l'autre jour à la crèche. Va-t-il falloir trouver un autre prénom? En les entendant rire lorsqu'elles racontent cette anecdote, on se dit que si vous croyez encore que les féministes peuvent être ennuyeuses, c'est que vous n'avez décidément pas rencontré Alice Coffin et Alix Béranger.
Alice Coffin et Alix Béranger en 4 dates:
1978 Leur année de naissance
2008 Alix participe à la création de la Barbe
14 octobre 2010 Elles se rencontrent pour une action de la Barbe
16 novembre 2012 Première «Manif pour tous»: acte fondateur de Oui Oui Oui.
Photos Xavier Héraud
Publié par Xavier Héraud
Source : http://yagg.com/2013/11/18/alice-coffin-alix-beranger-couple-militant/
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