«Millénium»: la Lisbeth de Fincher n'aime pas assez les femmes?
«Millénium»: la Lisbeth de Fincher n'aime pas assez les femmes?
Coupe punk, peau diaphane, piercing au téton, la Lisbeth Salander du réalisateur de «Seven» a tout pour plaire. Seulement voilà Fincher atténue la bisexualité et le côté féroce de la hackeuse. Mais que diable lui a fait l'icône lesbienne?
Dès la révélation des premières photos du Millénium de David Fincher, tous les regards se sont braqués sur elle: Rooney Mara, la jeune américaine de 26 ans qui campe Lisbeth Salander. Coupe punk, peau diaphane, piercings au nez, à la lèvre, au sein, un impressionnant tatouage de dragon dans le dos, tout y est. L’actrice aux cheveux châtains remarquée dans The Social Network est méconnaissable! Fincher a scrupuleusement respecté le cahier des charges malgré la pression des studios. Certains voulaient tailler la crête de Lisbeth!
Une Lisbeth pas assez Rapace?
Pourtant, déjà, il manque quelque chose, un côté sauvage, un peu de folie à cette Lisbeth. Et puis la première affiche officielle a pointé le bout de son nez (voir ci-dessus). Dessus, Daniel Craig, qui incarne Mikael Blomkvist – l’autre personnage central de la trilogie policière de Stieg Larson – entoure de ses bras Rooney Mara! Comme si cette icône lesbienne (lire notre article) avait besoin d’une présence masculine rassurante, des bras d’un quadra mal rasé? Elle, la femme indomptable par excellence! Une autre version de la photo, la montre même seins nus. Ah oui, il faut attirer le spectateur.
Venons-en au film (pour ceux qui sont étrangers à l’histoire, lisez le résumé sur TÊTU.com). Les critiques salueront forcément la maestria de Fincher, son sens de la mise en scène – il retranscrit parfaitement l’atmosphère angoissante du roman assez proche de Seven –, sa direction d’acteurs (tous excellents), la photographie magnifique – on est saisi par la beauté glaciale des paysages suédois, les lumières désaturées. Tout cela est vrai.
Moins d’ambiguïté sexuelle
Le nouveau Millénium est un bon film, sans doute la meilleure adaptation de l’œuvre de Stieg Larson, supérieur au long-métrage et à la série suédoise (très regardables) qui souffraient d’un manque de moyens et d’un Mikael Blomkvist beaucoup trop lisse. Il faut dire aussi qu’il était éclipsé par une Lisbeth Salander impressionnante, campée par Noomi Rapace (photo ci-dessous, à droite). La prestation de Rapace, habitée, féroce, rageuse, tranche avec celle de Rooney Mara, toute en retenue. Sa Lisbeth à elle n’est pas une prédatrice mais une femme en eaux troubles, traumatisée, souvent vulnérable, une petite chatte sauvage.
Evidemment, on a tous notre vision du personnage. Certaines lectrices de TÊTUE apprécieront sans doute cette Lisbeth féline, introvertie, fragile. Un fantasme de punkette au corps androgyne. Très désirable. D’autant que Fincher a énormément sexué la hackeuse postpunk dans son film. En effet, Rooney Mara apparaît plusieurs fois nue dans le film. Chez Fincher, beaucoup plus que dans la version suédoise, Lisbeth utilise le sexe pour arriver à ses fins. Pourquoi pas. Mais à vouloir trop sexuer son personnage... il en a enlevé l’ambiguïté sexuelle.
Dans les bras d’une femme
Dans le roman, comme dans la série et le film suédois, Lisbeth Salander est très clairement bisexuelle. Mais les hommes sont d’abord pour elle des êtres dont il faut se méfier, souvent violents: elle a vu sa mère maltraitée par son père, elle a été violée. Elle les utilise donc selon son besoin et ne dit pas souvent non aux bras d’une femme.
Dans ce Millénium américanisé, Lisbeth aura bien une aventure d’une nuit avec une belle inconnue rencontrée en boîte. Après avoir avalé un ecsta. Mais c’est tout. Dans le reste du film, elle se jettera sur Mikael Blomkvist à plusieurs reprises et y trouvera du plaisir, dont une scène étonnante où, alors qu’elle est interrompue en plein ébats, elle demandera à son partenaire de terminer l’acte pour arriver jusqu’à l'orgasme. Pour montrer qu’avec James Bond on parvient forcément à l’orgasme? Etrange impression.
Une relation bien plus complexe
Plus gênant, vers la fin le film de Fincher laisse penser que le personnage de Lisbeth nourrit quelques sentiments pour Mikael Blomkvist. Dans le roman et l’adaptation suédoise, leur relation est bien plus complexe. Lisbeth couche bien avec le journaliste. A plusieurs reprises. Mais ce n’est pas forcément le sentiment amoureux qui la pousse à le faire.
Plutôt une urgence, le besoin d’un corps réconfortant dans un monde froid et inquiétant – l’action du premier roman se déroule dans la campagne suédoise loin de tout – être près de l’homme qui traque comme elle «les hommes qui n’aiment pas les femmes». Et c’est souvent Lisbeth qui baise Blomkvist, rarement l’inverse. Espérons que cette relecture du personnage de Salander ne s’intensifiera pas dans le deuxième volet de la saga déjà en préparation. Et que l’on retrouvera une Lisbeth qui aime un peu plus les femmes.
Millénium 1, Les hommes qui n'aimaient pas les femmes, de David Fincher, avec Daniel Craig, Rooney Mara, Christopher Plummer, Stellan Skarsgard. Genre: thriller. Durée: 2h38.
Regardez la bande-annonce de Millénium:
...et celle de la version suédoise:
Photos: DR.
Par Sylvain Zimmermann mercredi 18 janvier 2012
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