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Virginie Despentes: «Il y a une peur hétéro de la “propagande” lesbienne» (2/2)

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Message par SweetAngel Jeu 22 Mar 2012 - 19:45

INTERVIEW. «Bye Bye Blondie» est à l'affiche depuis hier. Pour TÊTUE, sa réalisatrice s'exprime sur la puissance du porno lesbien, les difficultés pour faire financer un film homo, ses projets...

Virginie Despentes: «Il y a une peur hétéro de la “propagande” lesbienne» (2/2) ByeBye-itvDespentes580

A l'occasion de la sortie en salles de son long-métrage Bye Bye Blondie, TÊTUE s'est entretenu avec Virginie Despentes. Dans la première partie de son interview, publiée hier, l'auteure-réalisatrice nous racontait ses sorties dans le milieu lesbien, sa perception du cinéma lesbien français d'aujourd’hui, comment elle avait dirigé ses actrices principales…

Découvrez ci-dessous la seconde partie de notre interview, où il est question de la puissance du porno lesbien, des difficultés pour faire financer un film homo…

TÊTUE: Le film a mis beaucoup de temps à arriver sur les écrans. Pour quelles raisons?
Virginie Despentes: Il y a eu un temps raisonnable – mais malgré tout long – de trois ans pour le faire financer. Quand tu vas voir les chaînes de télé, tu sens qu'elles n'ont pas l'usage d'un film comme ça. Elles se disent déjà qu'elles ne pourront pas le passer à 20h30, tu ne sais pas pourquoi mais pour eux c'est évident. Par exemple quand j'ai annoncé que j'allais passer le film au festival Chéries-Chéris, j'ai bien vu que plein de partenaires se disaient «On n'a pas mis 3 millions dans ce film pour finir chez les gouines et les pédés». C'est homophobe, mais c'est avant tout très beauf. La beauferie caractérise vachement le cinéma. Ce même cinéma qui est au service de l'idéologie dominante, tout le temps et sur tout.

Tu as aussi eu des difficultés pour trouver un distributeur?
Les distributeurs, commercialement, ils n'y croyaient pas du tout. C'est le fait que ce soit lesbien, mais aussi que les comédiennes ne soient pas des jeunes. Si tu fais le même film lesbien avec Virginie Ledoyen et Cécile de France, je pense que tu vas beaucoup plus vite. Et si tu prends deux comédiennes plus jeunes un peu à poil, là je pense que tu vas encore beaucoup plus vite. A contrario, si en-dehors du fait que ton film soit lesbien, il n'y a pas d'homme hétéro, alors là… Je pense que les spectateurs ne sont pas comme ça, ils sont plus en demande de films différents, exigeants, compliqués.

Ta notoriété ne t'a donc pas aidée?
Je ne peux pas me plaindre non plus: le film s'est fait. Pour plein d'autres gens, le monde du cinéma a été plus dur que pour moi. Si je n'avais pas eu cette notoriété, je n'aurais pas pu le faire. Quand tu n'as aucun contact, publier un roman c'est dur. Alors, faire un film…
Mais ce n'est pas une raison pour ne pas faire des films à 1.000 ou 2.000 euros car aujourd'hui contrairement à il y a dix ans, c'est possible, les outils sont accessibles. Il faut que les jeunes réalisateurs et réalisatrices fassent des films différents, lesbiens ou queer, c'est important. Faites-le maintenant (rires)!

Tu lis TÊTUE.com? Qu'est-ce qui t'a marquée dans l'actu LGBT dernièrement?
Oui, j'y vais souvent! Kechiche qui est en train de bosser sur l'adaptation de cette sublime BD, Le Bleu est une couleur chaude, ça me paraît être une bonne nouvelle, on va voir ce que ça donne! Je trouve ça génial qu'un mec hétéro reubeu prenne en charge ça.

Virginie Despentes: «Il y a une peur hétéro de la “propagande” lesbienne» (2/2) Inter-bye-2-2Qu'attendent les actrices, artistes, femmes de télé françaises, pour sortir du placard?
Je pars du principe que si elles ne le font pas c'est qu'elles ont peur et qu'elles ont une bonne raison. C'est toujours pareil: on ne va pas les traiter frontalement de «sale gouine» donc elles ne pourront pas se plaindre. Mais elles savent qu'elles ne seront plus considérées pareil. Elles savent qu'elles risquent réellement quelque chose. Et elles ont sûrement raison car les gens sont très homophobes. Et qu'effectivement, de plus en plus, ce que l'on demande aux femmes c'est de tenir compte du regard des hommes, d'avoir la volonté de les séduire, de ne surtout pas leur faire peur. Pour moi être out c'est facile, je suis «Madame Baise-moi».

Dans ton roman Apocalypse Bébé, le personnage de La Hyène est une lesbienne terriblement charismatique. A tel point que les autres personnages, hétéros, peuvent paraître un peu fade à côté, et que certain-e-s critiques t'ont reproché d'être anti-hétéro. Tu comprends ces réactions?
J'accepte qu'on l'exprime mais je ne l'accepte pas comme étant juste. Je crois qu'il y a une peur hétéro de la propagande lesbienne. Je crois que les hétéros veulent bien que les lesbiennes existent, mais si possible sans être trop visibles et sans revendication. J'ai l'impression que, plus que les mecs, ce sont les meufs qui sont les gardiennes de l'hétérosexualité obligatoire. Les hétéros parlent tout le temps de la bite des mecs, et quand elles ne sont pas en train de bouffer de la bite ils faut qu'elles fassent des enfants. Donc, elles parlent tout le temps de leur sexualité. Nous par contre, il faudrait tout le temps qu'on parle d'autre chose...

Dans Apocalypse Bébé, effectivement il y a des trucs qui peuvent les rendre mal à l'aise. C'est la première fois que je m'amuse à ça, je l'ai fait avec du plaisir et je pense que ça se sent. Mais dans le flux ambiant, je me dis que ça ne fait pas de mal aux hétéros parfois d'entendre trois vannes vaguement hétérophobes.

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Après l'affaire DSK, on a parlé un peu partout dans les médias d'un renouveau du féminisme. C'est aussi l'impression que tu as eue?
Du féminisme, non, mais de la problématique féministe dans les médias, oui. Avant DSK, j'avais l'impression depuis un bout de temps qu'à chaque fois que «féminisme» était prononcé, il y avait le mot «islam» derrière. C'était toujours flanqué dans un truc raciste.

Avec DSK, pour la première fois on a vu des rédactrices en chef, des grandes journalistes, des femmes politiques, sur les plateaux télé, dire «oui, c'est un problème d'arriver en jupe à l'Assemblée nationale, oui c'est un problème d'être une meuf dans les comités de rédaction». C'est aussi la première fois que l'on a autant entendu le mot «viol» à la télé.

Ce qui est dommage, c'est qu'à la fin DSK n'ait pas rejoint le mouvement féministe pro-sexe! J'aurais trouvé ça génial qu'il fasse des marches avec nous pour la défense de la prostitution, qu'il dise «oui j'adore les putes» (rires)! Je trouve qu'il a vraiment raté une occasion!

Virginie Despentes: «Il y a une peur hétéro de la “propagande” lesbienne» (2/2) Inter-bye-2-1Est-ce que tu t'es rendu compte, au moment où tu écrivais King Kong Théorie, de la puissance de cet essai? Il est cité par énormément de femmes...
Non, je ne m'en suis pas rendu compte. Et heureusement parce que sinon je pense que j'aurais été impressionnée. Je ne me sens même pas l'auteure de ce livre tellement il m'échappe.

Il a même été adapté au théâtre!
Il a pas mal été adapté oui. En Belgique, en France, en Suisse, en Espagne. Sauf en Espagne, je n'ai d'ailleurs jamais pu voir de représentation, je n'ai jamais eu l'occasion d'être là au moment où ça jouait. Certains le lisent sur scène, d'autres s'en emparent vraiment en créant un personnage. C'est cool!

Est-ce que tu comptes voter aux prochaines présidentielles?
Ouais, pour la première fois depuis 1988. Parce que je fais partie des gens qui ont trouvé super dures ces années Sarkozy. Surtout sur les questions de racisme. Quand je suis revenue de Barcelone où j'ai vécu, ce qui m'a frappée c'est que j'avais l'impression d'entendre tous les jours le mot «islam» à la télé. Tout le temps, comme une espèce d'obsession.

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Après Baise-moi, on t'a beaucoup mis l'étiquette «auteure trash». Or Bye Bye Blondie est une comédie relativement romantique et sans scène de sexe. C'était un décalage voulu?
Oui, ce n'est pas tellement en réponse à Baise-moi mais sur ce projet-là je ne voulais pas qu'il y ait de sexe. Ça n'avait pas d'intérêt. Je n'aime pas, dans le cinéma mainstream, quand il y a des fausses scènes de sexe, juste pour montrer les fesses de l'actrice. Un vrai porno lesbien ça pourrait m'intéresser mais là ça ne me disait pas de vaguement montrer comment les lesbiennes font entre elles. Il y a forcément un moment où tu dois te situer si tu ne veux pas que le film attire les voyeurs.

Virginie Despentes: «Il y a une peur hétéro de la “propagande” lesbienne» (2/2) Inter-bye-23Est-ce que tu comptes réaliser un porno lesbien un jour?
Je n'en sais rien, disons que ça m'intéresse. Je regarde vachement ce qui se fait en post-porno et j'aime bien le porno en général. Quand un porno lesbien est bien fait, qu'il est fait dans un autre état d'esprit et qu'il te montre des trucs que tu ne connais pas, ça change quelque chose dans ton cerveau pour de bon. Au-delà de ce que tu peux avoir envie de faire ou pas dans ta sexualité. La première fois que j'ai été entourée de filles qui se fistaient à fond ça a bougé un truc, parce que dans ma tête d'hétéro j'avais toujours vu des bites dans des chattes et d'un coup tu vois des meufs se pénétrer autrement. Le porno n'est pas surveillé à ce point par hasard: c'est parce que c'est vachement puissant.

Tu aimerais réaliser un autre film?
J'espère, oui. En réalisant celui-ci, j'ai compris vachement de choses sur ce que je pourrais maîtriser encore mieux, ou que je pourrais expérimenter. J'aimerais notamment faire un film dans une fabrication totalement alternative, sans vrai tournage. Dans mes nombreuses envies, il y a aussi celle de faire un film avec Axelle Le Dauphin (une ancienne collaboratrice de TÊTU, NDLR) comme héroïne. Elle était accessoiriste sur Bye Bye Blondie, elle est sur beaucoup de photos et de bouts de film, et à chaque fois je me dis qu’il faudrait faire un film avec elle (rires)!

Lire également:
- Virginie Despentes: «A la fin de "Bye Bye Blondie", tu es contente d'être homo» (1/2)
- Notre interview de SoKo: «J'ai eu des histoires d'amour avec des filles comme avec des garçons»
- L'interview de Béatrice Dalle dans le numéro 176 de TÊTU, actuellement en kiosque.
- Au ciné: «Bye Bye Blondie», un film lesbien, punk et heureux


Photos: Lynnsk.

Par Marie Kirschen et Mélanie Vives jeudi 22 mars 2012

Source : http://www.tetu.com


Dernière édition par SweetAngel le Lun 4 Juin 2012 - 18:52, édité 1 fois

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Virginie Despentes: «Il y a une peur hétéro de la “propagande” lesbienne» (2/2) Empty Re: Virginie Despentes: «Il y a une peur hétéro de la “propagande” lesbienne» (2/2)

Message par Cherry Bomb Ven 23 Mar 2012 - 11:48

Après avoir lu le livre et entendu dire que Despentes allait en faire une adaptation lesbienne , avec Beart et Dalle , mais que le film tardait à se finaliser, j'ai rongé mon frein ! Le voici enfin sorti Smile Bon je l'attends au tournant la réalisatrice, avec un duo pareil , il serait impardonnable de se planter ^^
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