Découverte de leur homosexualité: des personnalités témoignent (2/5)
Découverte de leur homosexualité: des personnalités témoignent (2/5)
ÉVÉNEMENT. Face à l’invisibilité des amours lesbiennes, ce sont 20 personnalités qui ont accepté de nous livrer un bout de leur histoire. Voici la site de notre dossier de la semaine.En 2013, alors que la France s'apprête à ouvrir le mariage aux couples de même sexe, on aurait pu espérer la fin de l'invisibilité lesbienne. Et pourtant! Sur tous les films, romans, chansons, séries produits chaque année dans notre pays, combien mettent en scène une histoire entre femmes? Notre société, pas si moderne, feint encore et toujours d'ignorer les couples homos, et tout particulièrement les couples de femmes.
Caroline Mécary
En 2013, une jeune femme qui se découvre lesbienne ou bisexuelle doit faire face à un silence étouffant. C'est frappant dans les témoignages que nous recueillons pour nos articles. On nous parle de la difficulté de vivre dans une société qui présuppose l'hétérosexualité. Ce sont toutes ces femmes qui, aux premiers émois, ont l'impression d'être seules au monde. Avant de se rendre compte, plus tard, à quel point l'expérience est banale, bien qu'invisible.
Pour TÊTUE, 20 personnalités out ont accepté de nous livrer un bout de leur histoire. Elles sont actrices, musiciennes, journalistes, écrivaines, avocates, humoristes... Preuve, pour ceux qui en doutaient encore, que l'on peut accomplir de grandes choses tout en assumant son amour des femmes. Ces paroles sont d'autant plus précieuses qu'elles interviennent à un moment où l'homophobie s'est libérée avec le débat sur le mariage.
Tout au long de la semaine, vous pourrez découvrir sur TÊTUE ces témoignages, rares et forts. Après notre premier article, hier, sur le coming out, 7 personnalités nous racontent comment elles ont découvert qu'elles aimaient les femmes. Retrouvez demain, et jusqu'à vendredi, la suite de ces témoignages.
Marie Labory
Journaliste, présentatrice du JT d'Arte.
«Je ne me suis pas rendu compte un beau jour que j'aimais les femmes. Je pense que je l'ai toujours été, du plus loin que je m'en souvienne, mais je ne me posais pas la question. C'est au moment de mon adolescence où j'ai vraiment réalisé qu'il y avait un truc qui clochait un peu... Contrairement à mes copines, je n'avais pas envie de sortir avec des garçons. J'ai donc commencé à me le formuler et c'est vraiment à la fin de mon adolescence que je l'ai enfin accepté... enfin que je me le suis plutôt pris comme un mur dans la figure!»
Avocate au barreau de Paris et co-présidente de la Fondation Copernic. Dernier ouvrage: L'amour et la loi
«J'étais adolescente. Cela ne correspond pas à un moment précis, c'est quelque chose qui est plus de l'ordre du processus. C'est un cheminement au moment de l'adolescence, où je me suis interrogée sur ma sexualité. Ce qui est compliqué à ce moment là c'est que, quand on est dans une sexualité "marginale" -car c'est une sexualité "marginale"- on peut à la fois s'en glorifier, parce qu'on n'est pas comme les autres, et en même temps craindre de ne pas être comme les autres. Chez moi, il y a eu les deux mouvements en même temps. Mais les personnes de mon entourage, homos ou non, étaient plus âgées que moi, ouvertes et libérées.
Quand on fréquente des gens plus ouverts, on est entraîné dans cet élan, dans quelque chose qui nous montre que "ça" existe et que l'on n'est pas seule. Retourner ensuite en cours et s'entendre dire "toi tu préfères toucher les bégonias", c'est sûr que ça ne m'a pas fait plaisir, parce que c'est un âge où l'on est encore assez vulnérable; cependant cela n'a pas eu d'impact car j'étais sans doute plus forte que cette parole que j'ai ressenti comme blessante.»
Caroline Fourest
Essayiste et journaliste. Dernier documentaire:Les Réseaux de l'extrême
«Je l'ai annoncé à ma mère à l'âge de 5 ans. Je lui ai dit "maman, quand je serai grande je me marierai avec une femme". Je crois que, sur le coup, ça a plutôt terrorisé ma mère, qui maintenant l'accepte très très bien. Ensuite je l'ai enfoui pendant de longues années.
J'ai dû me battre pendant longtemps pour ne pas me le dire, mais en fait je l'ai toujours su. C'était en moi tout le temps, je me battais avec ça tout le temps. Jusqu'au jour où je suis allée voir seule un film, When night is falling. Je me suis retrouvée au premier rang. C'était un des premiers longs-métrages où les lesbiennes étaient aussi visibles. En sortant j'étais dans un état second: en voyant ces scènes de femmes qui s'embrassent, il était absolument évident que j'étais homo... Pour moi, le fait d'être lesbienne est une force inépuisable. J'ai tout appris grâce à cela. C'est la plus belle chose au monde.»
Shirley Souagnon
Humoriste.
«Je crois que j'ai toujours aimé les femmes en fait. A 5 ans, en maternelle, j'étais amoureuse d'une fille qui s'appelait Manon, et à 7 ans j'ai eu mon premier bisou avec une fille. Je ne me posais pas de question, ça me paraissait évident! Et puis l'adolescence arrive et tu commences à vouloir t'identifier aux autres. D'ailleurs je suis aussi sorti avec des garçons à cette époque. C'est à 18 ans que je suis sortie avec ma première copine, et là aussi tout m'a paru évident...»
Beatriz Preciado
Philosophe. Dernier ouvrage: Pornotopie, Playboy et l'invention de la sexualité multimédia
«J'ai grandi en Espagne dans les années 70, pendant la dictature franquiste. Il y avait un silence extraordinaire autour des questions de la sexualité, du genre. Quand j'étais enfant, je n'ai jamais entendu parler d'homosexualité mais j'ai su que j'étais différente très tôt. Bien avant d'être attiré par les filles, je me suis rendu compte que je ne me sentais pas vraiment fille. C'est d'abord ça qui a causé problème. Je ne voulais pas m'habiller "comme une fille", jouer à des jeux "de fille"... Quand on me demandait ce que je voulais faire, je disais toujours "je veux être un homme". Ma mère m'a très vite dit qu'il fallait que j'arrête de dire ça! J'ai appris qu'il y avait plein de choses qui m'étaient interdites. Mon enfance n'a pas été très facile à cause de ça.
J'ai embrassé des filles dès mes 5 ans. Je n'ai jamais été dans le placard. Même quand j'étais petite et que mes parents me demandaient si j'avais un amoureux je disais "non, je déteste ça"... A l'école, je parlais aux filles et je leur disais "mais, si vous voulez, vous pouvez embrasser votre copine". Mes parents, très catholiques, étaient furieux contre moi!
Adolescente, je me suis rendu compte que ça ne m'intéressait pas de sortir dans les fêtes avec des amis parce qu'il n'y avait personne qui pouvait s'adresser à moi comme je voulais, je ne pouvais pas m'habiller comme je voulais, je ne pouvais pas sortir avec des filles... Très rapidement, j'ai arrêté de sortir et j'ai passé mon adolescence cloîtrée. Et à l'époque il n'y avait pas d'internet! Il n'y avait que les livres. Ils m'ont sauvé la vie.»
Océanerosemarie
Comedienne et chanteuse sous le nom d'Oshen. Dernier album: La Pudeur
«Pendant toute mon enfance et mon adolescence, j'étais amoureuse de femmes mais je ne m'en rendais pas compte... Je pensais que mon amour était "chaste et pur" et j'ai mis assez longtemps à comprendre que j'avais du désir physique, alors que c'était sans doute le cas assez tôt.
A l'adolescence j'ai été violemment amoureuse d'une fille et nous nous sommes embrassées... A partir de là j'ai commencé à admettre que peut être je n'étais pas comme tout le monde. Mais le chemin a été long pour que j'assume complètement mon désir puisque la première petite copine "officielle" que j'ai eu c'était à l'âge de 19 ans, alors qu'en vrai je pense que j'étais gouine depuis mes 4 ans! Oui, j'étais amoureuse de ma prof de maternelle, j'avoue!»
Brigitte Kernel.
Ecrivaine. Dernier ouvrage: Andy.
«Je l'ai réalisé très jeune. Je suis tombée amoureuse vers l'âge de 14-15 ans d'une jeune femme de 22 ans qui était, comme moi, à l'hôpital. J'étais juste en observation et ça n'a, au final, pas été grand chose. Elle était malade en profondeur. Elle n'a pas survécu à sa leucémie. J'ai compris que ce que je ressentais n'était pas de l'amitié... Ça a été douloureux car je ne pouvais pas en parler chez moi. Et je ne comprenais pas ce qui m'arrivait. Tout se mélangeait, l'amour éprouvé pour une femme, la différence d'âge, la maladie... Et puis elle était mariée et elle aimait son époux, elle n'était pas attirée par les filles. Compliqué...
J'ai vécu tout cela dans le silence et ça a été assez difficile. Heureusement, j'avais quelques amis de lycée qui m'ont aidée à passer cette épreuve. Ce fut en même temps très beau et très pur. Les derniers mots qu'elle m'a dit sont "sois heureuse". C'est inscrit au fond de moi. Dans les pires périodes de ma vie - et j'ai vécu une année épouvantable en 2011 - j'ai tenté de garder ce vœu comme un fil rouge pour ne pas chuter. C'est un moteur. Quelques mots apparemment anodins qui m'ont toujours soutenue. La vie est pleine de belles choses et de belles personnes. Il suffit d'être ouvert finalement, de ne pas se lover dans ce qu'il y a de douloureux dans notre passé, et d'éviter ce qui nous est toxique. On le sait en théorie, tous, mais ce n'est pas toujours facile à mettre en pratique.
Passer par les parents pour que les enfants soient sereins dans leurs amours, je crois, oui, que ça passe par là. Et par les enseignants, les éducateurs qui ne sont pas toujours les premiers à vouloir "entendre", "voir", "accompagner". J'aimerais aller à leur rencontre, parler avec des parents, parler dans des classes. L'avenir est là aussi...»
Lire également le premier volet de notre dossier témoignages: Coming out, gaypride, premier amour... Pour TÊTUE, 20 personnalités témoignent
Photo Marie Labory: Olivier Ciappa.
Photo Caroline Mécary:Studios Harcourt.
Photos Beatriz Preciado et Caroline Fourest: Léa Crespi.
Photo Brigitte Kernel: David Ignaszewski/Koboy/Flammarion
Photo de Virginie Despentes: Jean Luc Bertini.
Photo Marie Labory: Olivier Ciappa.
Photos Caroline Fourest: Léa Crespi.
Photo Océanerosemarie: Valérie Archeno.
Photos: DR.
Par Rédaction mardi 12 février 2013
Source : http://www.tetu.com
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