En Russie, un magazine lesbien glamour veut défier l'homophobie

Publié sous le nom de «Agens» («puissant» en latin), le trimestriel qui vient de voir le jour en Russie veut «créer une nouvelle image de la communauté lesbienne». Il parait alors le parlement russe examine toujours une loi qui proscrit les «actes publics» faisant la promotion de l'homosexualité...



En Russie, alors que le parlement examine un projet de loi visant à punir sévèrement toute propagande de l'homosexualité, un magazine lesbien glamour vient de voir le jour… Baptisé Agens, ou «puissant» en latin, ce trimestriel né en mars dernier veut lutter contre une homophobie actuellement très répandue dans le pays.

Interdit aux moins de 18 ans
Agens vise à «créer une nouvelle image de la communauté lesbienne», explique la rédactrice en chef du magazine, Milena Tcherniavskaïa, 24 ans, dans son édito. Présenté comme un «magazine sur les filles pour les filles», le premier numéro d'Agens, qui compte 120 pages, parle des secrets d'une bonne coiffure et donne des conseils sur comment révéler son homosexualité. Seul signe de son caractère spécial, la mention interdit aux moins de 18 ans - obligatoire en vertu d'une nouvelle loi russe - figure sur sa couverture glacée teintée de rose.

C'est «le premier magazine glamour» pour les lesbiennes en Russie, orienté vers les femmes de «22-32 ans, qui travaillent, gagnent un salaire moyen ou plus et ont un niveau d'instruction supérieur», développe Milena Tcherniavskaïa. Ses lectrices potentielles «sont actives, jeunes et s'intéressent à ce qui se passe dans le monde», explique cette femme aux longs cheveux frisés, qui porte un tatouage sur le poignet.

«Pas peur d'être ce qu'elles sont»
Agens s'adresse en premier lieu aux femmes qui sont loin des activités des militants homos, souvent agressés en Russie lorsqu'ils tentent de manifester pour défendre leurs droits. «Tout le monde n'a pas envie d'aller manifester», précise Milena Tcherniavskaïa. «Notre tâche est de montrer des jeunes femmes qui n'ont pas peur d'être ouvertement lesbiennes et en même temps ont du succès dans leur travail... Elles n'ont pas peur d'être ce qu'elles sont et nous les admirons vraiment.»

La parution du magazine intervient alors que la Douma, la chambre basse du parlement russe, continue d'examiner un projet de loi qui punit les auteurs de tout «acte public» faisant la promotion tant de l'homosexualité que de la pédophilie. Cette loi, qui prévoit des amendes allant jusqu'à 500.000 roubles (12.500 euros), a déjà été votée en janvier en première lecture, déclenchant des critiques de la communauté homosexuelle et des défenseurs des droits de l’Homme. Une loi similaire est déjà en vigueur dans plusieurs régions russes, notamment dans la deuxième ville de Russie, Saint Pétersbourg. «Je pense que tout le monde a un peu peur... Il semble que peu de gens ont été mis à l'amende pour cela, mais en tout cas, tout le monde est effrayé», dit Milena Tcherniavskaïa.

«Un magazine sur les chats»
L'initiateur de cette loi à Saint-Pétersbourg, le député russe Vitali Milonov, a déjà exprimé son dégoût pour le magazine de Milena Tcherniavskaïa. «La publication de ce magazine ne va pas à l'encontre de la loi, mais cela aurait été mieux si elles avaient fait un magazine sur les chats», a-t-il déclaré à l'agence publique Ria-Novosti.

Le premier numéro d'Agens, d'un tirage modeste de 999 exemplaires, n'est disponible actuellement que dans des clubs homos ou peut être commandé via des sites gays et lesbiens au prix de 299 roubles (environ 7,4 euros). Milena Tcherniavskaïa envisage de l'enregistrer prochainement comme un magazine trimestriel pour pouvoir le vendre dans les kiosques de presse. Pour l'heure, toute l'équipe du magazine travaille à titre gratuit, chacun ayant un emploi par ailleurs, à l’image de Milena Tcherniavskaïa, spécialiste des relations publiques dans une entreprise. C'est l'une de ses collègues qui a financé le premier numéro d'Agens.

«Soupçonnées d'être lesbiennes»
Milena dit déjà réfléchir à un deuxième numéro, qui devrait contenir l'interview d'une lesbienne présentatrice de télévision dont elle ne révélera pas le nom. «Il y a des stars très douées, qui sont soupçonnées d'être lesbiennes mais qui n'en parlent jamais ouvertement», constate-t-elle.

Plus de deux Russes sur trois se disent «hostiles» ou «réservés» envers l'homosexualité, qui pour une majorité d'entre eux devrait être interdite, selon un récent sondage du Centre Levada. L'homosexualité était considérée comme un crime en Russie jusqu'en 1993, et comme une maladie mentale jusqu'en 1999, bien après la chute du régime soviétique en 1991.

Texte et photo: AFP.

Par Rédaction (avec agence) lundi 08 avril 2013

Source : http://www.tetu.com